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Burning Land I (again)
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 Bizzardbizzare



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MessagePosté le: 20/02/09 23:14    Sujet du message: Citer

Une dizaine de minutes après, Ildur se trouvait en plein dans la pièce supérieure de l’aile nord du palais. Autour de lui s’activaient tout les notables de la Ligue qui avaient investigués Cavenfer, et lui-même était affairé au dessus de divers documents et entouré d’un va et vient constant d’informateurs auxquels il répondait brièvement et sèchement.

« Taerenas à disparu, et alors, retrouvez le ! Ce vieux fou ne pourra pas aller bien loin ! »

Il se replongea dans l’étude de la carte qui était déroulée sous ses yeux, représentant le royaume de Taer et ceux environnants. Un sourire de satisfaction éclairait son visage.

Un tapotement sur l’épaule le fit se déconcentrer. Un autre des agents attendait là de lui parler.

« Quoi ? »

« Maître Ildur, vous… vous vous souvenez des nobles disparus ? »

« Bien sûr, qu’est ce qu’ils ont ? Ils sont enfin revenus ?! »

L’agent avait l’air gêné, à la fois conscient de déranger son maître et incapable de comprendre l’information qu’il avait à transmettre :

« Pas exactement… Ils ont donnés leurs titres. »

« Leurs titres ? »

« Oui, leurs droit de régence. Leurs territoires ont changés de main. Pire, on dirait qu’ils sont tous passés sous la coupe du même homme… Le Vicomte Melorgn apparemment mais je n’en avais jamais entendu parler avant… »

Ildur se mit alors à réfléchir rapidement, pressentant quelque chose de funeste, mais sa réflexion fut interrompue par des bruits de pas lourds dans son dos. Instinctivement il se jeta sur sa droite, esquivant de justesse le fracas d’une épée lourde à sa position précédente.

Se relevant avec vigueur, il contempla, stupéfait, un Taerenas tâché de gouttes de sang, accompagné d’une dizaine de soldats derrière lui. Il fit quelque pas en arrière, alors que ses propres gardes venaient de dégainer.

Fixant le roi, il questionna :

« Taerenas ? Qu’est ce que vous faites ? Vous n’avez pas conscience de l’erreur que vous commettez ? »

En guise de réponse, le monarque hurla.

« Arh ! Aucune importance ! Je n’attendrais pas plus longtemps que votre organisation continue de détruire ma lignée ! Vous allez tous payer ! »

Suivant ces mots, il sauta sur la table et se dirigea en rugissant sur les quelques hommes de l’autre coté, suivi par ses soldats.

Comprenant qu’il était sans doute trop tard, Ildur se mit à fuir par la première porte qui se trouvait derrière lui, débouchant en hâte sur un long couloir doté de multiples et grandes fenêtres, alors que des bruits de lutte acharnée se faisaient entendre derrière lui. Paniqué, il faisait refluer d’un geste chacun des membres de la Ligue qui se trouvaient la, avant de constater avec horreur qu’un groupe d’hommes en armes, arborant le blason de Taer sur leurs armures, apparaissait au bout du couloir.

De la ou il était venu, un Taerenas vociférant fit son apparition, maculé de liquide vermeil, la rage dans tout son corps, marchant à grands pas vers le dignitaire désemparé.

Reprenant ses esprits, celui-ci choisit la seule solution qui convenait à un des Maîtres de la Ligue, criant un dernier avertissement au monarque :

« D’ici deux semaines, votre royaume sera en guerre civile, vous serez destitué, et toute cette mascarade s’achèvera ! »

Puis il sauta par la fenêtre dans la rivière qui faisait office de douve autour de l’aile nord.

Les quelques premières secondes de sa chute, il se demanda si il allait survivre à son contact avec l’eau, voyant l’étendue liquide se rapprocher. Subitement, son mouvement ralentit, jusqu'à ce qu’il sente un nombre indéterminable de griffes le saisir à chaque endroit de son corps. Il se débattit aussi bien qu’il put, mais une nuée de volatiles l’entourait et le tirait dans les airs. Une volée de corbeaux monstrueux le ramena rapidement au dessus de la ville, l’emportant loin des regards, alors que le roi et ses hommes scrutaient des remous dans les douves.
Quelques instants s’écoulèrent avant que Taerenas ne redresse fièrement la tête et ne déclare, l’épée levée vers le ciel :

« Le trône est de nouveau nôtre ! »

Un cri de joie résonna dans les rangs des quelques soldats qui avaient participés à ce renversement de situation, tous heureux que cette courte période prenne fin.

-----------------------------------------------------------------------------------

La nuit venue, Taerenas se replongea dans ses habitudes. Après la fuite d’Ildur, il avait fait capturer et incarcérer autant de membres de la Ligue que possible. Un sentiment de fierté immense gonflait son cœur, et chacun au palais semblait se réjouir qu’il ait adopté une position forte. Chacun, excepté les courtisans, qu’il commençait soudainement à mépriser.

Mais il était temps de se reposer. Allongé dans son lit, seul, la clarté de la lune baignant sa chambre, il commença à s’endormir, rêvant à sa gloire retrouvée. Maintenant il était de nouveau faible et fatigué. Le repos lui ramènerait sans doute cette énergie subite.

Quelques dernières pensées lui traversèrent l’esprit, fortes, impérieuses, résonnantes.

« Justice à été faite. »

Il ferma les yeux.

« Votre lignée va de nouveau resplendir… Tout vous est possible. »

Le sommeil ne vint pas. Il ne parvenait pas à réarranger sa raison, envahi par ses paroles. Dans le chaos de son âme, il s’aperçut qu’il n’était aucunement surpris, depuis le début, que quelqu’un ou quelque chose s’adresse à lui de telle façon. Il ne voulait même pas savoir pourquoi et n’avait aucune envie de s’en débarrasser, mais pendant quelques secondes hors du tourment, il eu le bref sentiment que quelque chose n’allait pas, sentiment qui s’évapora à l’apparition des conseils suivants :

« Les forces d’Aerrad et Froevudd sont en route vers Taerath pour être à votre service. Levez votre armée. Marchez sur leurs villes. Détruisez la Ligue. Gagnez votre gloire. »

Cette fois, Taerenas ne voulait aucunement obéir à ces injonctions. Non, il voulait juste sommeiller… Il se sentait la proie d’un formidable conflit intérieur, alors même que son corps restait inerte.

Aux portes du repos, une nouvelle voix se fit entendre, non pas caverneuse mais sifflante, plus persuasive, plus agréable. Une voix humaine.

« Rassemblez vos forces et partez dans les terres ardentes. C’est là bas que s’accomplira le destin de Taer. »

Il écarquilla un œil avec difficulté, et il lui sembla apercevoir une forme humanoïde, habillée de loques flottantes au vent, juste devant la fenêtre, mais il entra dans le monde du sommeil l’instant suivant.

------------------------------------------------------------------------------------

A Cavenfer un groupe d’hommes s’approchaient du palais. Un carré de gardes, vêtus de simples tuniques noires, épée au fourreau, entouraient trois autres personnes, habillées chacune de manière distincte.

La troupe s’arrêta quelques moments devant la grande voute avant de reprendre et de s’introduire dans la première cour du donjon. Les pierres de marbre blanc étaient taillées finement, imbriquées avec grand soin, servaient de base à l’imposante construction qui se ramifiait partout. En face d’eux, une seconde voute derrière laquelle se profilait la bâtisse principale.

Tout était carré, sommaire, rendu au minimum. Peu d’ornements, pas de sculpture ou végétal quelconque pour égayer l’ensemble. Beaucoup de gardes, de fonctionnaires, mais rien d’autre que cette impression de force calme et irrépressible n’émanait du repaire du Seigneur-Mage.

La tour centrale provoqua ce même sentiment chez les visiteurs :

Quelque chose d’immensément haut qui surplombait la ville, taillé dans les roches noires extraites par les mineurs de Cavefeu, une porte gargantuesque laissant entrevoir des couloirs bien plus étroits mais multiples, le tout flanqué de deux bannières au blason de Taer, à quelques détails prêt : Si on retrouvait cette image du faucon blanc, la bannière n’était pas bleue comme à l’extérieure, mais entre le rouge et le noir. Il n’aurait manqué que quelques gargouilles de pierre ou toute autre effigie de monstre pour inspirer la peur, même aux visiteurs qu’allait recevoir le gouverneur des terres ardentes.

Mais ceux-ci ne s’attendaient pas à le rencontrer immédiatement. On les avait prévenus qu’il ne serait pas disponible dès leur arrivée, et déjà, le Général Fereghan menait les trois hommes, suivis de leur escorte, à travers les tortueux corridors du palais.

« Je suppose que votre voyage depuis Verenath à du aiguiser votre appétit messieurs. Vous pourrez goûter aux spécialités de ces terres. »

Réponses marmonnées, indécises. La cohorte déboucha dans une des salles de repas, encore vide d’officiers affamés mais assourdie par les bruits des cuisines jouxtant la pièce.

Le visage presque chauve de Fereghan s’accompagna d’un sourire au moment ou il quitta ses accompagnateurs, assurant qu’ils seraient bientôt servis, eux et leurs hommes. Avant même qu’il ait pu quitter le hall, des serviteurs entraient déjà pour apporter nourriture aux nouveaux arrivants.
Les trois hommes qui avaient ainsi été reçus étaient attablés seuls, sans prononcer aucune parole. Ils comptaient un homme d’âge moyen et à la chevelure rousse, vêtu d’une cote de maille et d’une écharpe de soie rouge a rayures dorées qu’il laissait tomber par-dessus son épaule ; un gaillard à peine plus âgé et solidement bâti, frappé de calvitie et au regard sans grande expression ; ainsi que d’un troisième individu, un vieillard à la longue barbe blanche, au chapeau long doté d’un petit bout pointu de la même couleur que sa robe, un bleu-gris presque terne.

Ils commencèrent à regarder leur plat, sans trop parvenir à distinguer si il s’agissait bien la de la nourriture des terres extérieures ou d’une variante du nouveau monde. Il fallut quelques instants pour que l’un d’entre eux, le plus vieux, prenne la parole sur un ton discret :

« Maintenant que nous sommes arrivés, il ne nous faut plus perdre de temps. »

Le plus jeune du groupe répliqua :

« Oui, Ildur voudra sans doute qu’on l’informe. »

Le solide bougre intervint à son tour :

« Pour qu’on puisse déposséder Zerendis dans l’heure. »

Le doyen avala rapidement un verre d’eau pour ce qu’il pouvait en juger, puis, accompagnant ses paroles de nombreux gestes, tenta de raisonner ses compagnons :

« Oui, mais pour qu’on puisse le dépouiller, il nous faut survivre. Il n’est pas stupide, il doit bien s’imaginer que la Ligue à prévu quelque chose pour lui. »

Celui en armure balança sa tête, levant les yeux au ciel :

« Ce sera l’affaire de quelques heures. »

L’autre grogna, reprenant de plus belle :

« Allons, nous sommes sur ses propres terres. Il faudrait être fou pour penser que d’ici la nuit on n’aura pas tenté de nous assassiner. »

Il dit ceci, tenant toujours son verre en main, remarquant un papier collé dessous. Il approcha sa main pour tenter de le saisir mais fut

brusquement pris de convulsions. Il commença à tousser, cracher, se leva sous le regard horrifié de ses deux camarades qui tentèrent de le saisir à temps, mais il tomba sur le sol avant qu’ils ne puissent l’atteindre, mort. Le papier se décrocha dans sa chute, virevoltant dans l’air avant de choir à coté de la tête du défunt. C’était une note ou était griffonné un joyeux Bienvenue à Cavenfer !

-------------------------------------------------------------------------------------

Thaddius était allongé dans une cage en bois suspendue au dessus d’un lac de lave, entourée par quelques jeunes dragons qui passaient leurs regards curieux au travers des barreaux. Le soldat n’osait plus bouger. La chaleur l’en rendait totalement inapte, il ne pouvait plus rien faire.

Il n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis sa capture.
Beaucoup sans doute. D’interminables heures qu’il était la, nourri par quelques bouillies autochtones, le strict minimum pour le maintenir en vie. Quand à la soif, il n’avait aucune idée de ce qu’on lui avait fait, mais il l’éprouvait en permanence, tout en sentant son corps humecté. Sans doute une variation du sort d’hydratation des humains.

Mais tout cela n’avait pas d’importance finalement, parce qu’il n’attendait pas grand-chose d’autre que la mort. Chacune de ses minutes s’égrenait lentement, variée seulement par l’arrivée d’une voix insistante, lui répétant que l’heure du changement était arrivée. Plusieurs fois il s’était agrippé à sa cage, le visage en sueur, hurlant qu’il avouerait tout ce qu’il savait, qu’il voulait mourir maintenant, mais personne ne répondait, hormis la voix.

De concert à ces assauts répétés s’ajoutait les rugissements bestiaux des orcs et des démons à quelques dizaines de mètres de lui, des sons gutturaux, des prières à leurs maîtres ou des hurlements semblant teintés d’une note de joie sanglante. Plus le temps passait, et plus il avait l’étrange impression de comprendre ces paroles.

Mais il se refusait à l’admettre. Il préférait rester la, ne pas prendre la peine de bouger ou de tenter d’y réfléchir. Il observa quelques instants les créatures ailées qui le regardaient également de leurs yeux ovales, teintés d’un reflet rouge sang. Il projeta de se rapprocher des barreaux pour s’y laisser dévorer, mais les murmures répétés semblaient l’affecter au point de l’empêcher de ne faire aucune action. Son esprit tout entier s’affaiblissait inexorablement.

Un bruit étrange se fit entendre, poussant les dragonnets à s’envoler. Le sommet de la cage fut soulevé par un être squelettique qui jeta un autre homme dans la prison.

Thaddius l’observa avec douleur. Il paraissait aussi détruit et affaibli que lui : ses vêtements aux insignes de Taer étaient tout aussi en lambeaux que ceux du soldat, son corps était miné par la fatigue et son regard vitreux s’accompagnait de clignements des yeux abusivement fréquents. Aucun ne dit mot, mais chacun sut ce que l’autre pensait. Chacun des deux était détruit par le même moyen, par la même conscience malicieuse, la même voix insidieuse qui s’était glissé dans leur âme même. Chacun entendait ces murmures incessants qui leur disaient désormais la même chose, avec un sifflement moqueur :

« Tue-le. »
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MessagePosté le: 24/03/09 18:21    Sujet du message: Citer

Valmoore flânait dans les rues de Cavenfer, traversant la grande allée principale en direction de la garnison. La ville, toujours plus grande, était éclairée en majorité par l’activité d’un volcan à l’est, mais au fil du temps la luminosité diminuait peu à peu à cause de la taille importante des bâtiments. Mais cela il ne s’en souciait guère. Et en ce moment, Adun même lui importait peu.

En vérité, il tentait de se laisser quelques heures pour lui-même, quelques heures de repos, entre la caserne et les rassemblements avec ses compères. La taille de la rue laissait une place conséquente pour les déplacements, et la foule qui se mouvait autour de lui ; entre ses maisons à colombages et ses boutiques illuminées de torches superflues ; ne gênait aucunement ses déplacements. Vêtu du gilet militaire aux insignes de Taer, le faucon blanc sur le ciel bleu, il ne portait aucune armure et c’est tout juste s’il avait pris la peine de garnir son fourreau.

Les lieux étaient sûrs, à plus forte raison ici, près du domaine de l’impitoyable Seigneur-Mage, où quelques dizaines de gardes veillaient en permanence, postés discrètement ci et la. Leur présence ne se faisait pas sentir, mais celle des vendeurs à la criée était plus perturbante. Le jeune homme s’acheta le second exemplaire du journal de Cavenfer tout en jetant un regard sur le toit de la caverne, parsemé de semblances de stalactites.

Il aurait pu se rendre plus simplement au siège de l’édition de la revue, à deux pas, mais malgré tout les efforts qu’il entreprenait, il ne pouvait se résoudre à rencontrer son oncle. Sans doute plus encore que Zerendis, il méprisait ceux qui le servaient en connaissance de cause, encore plus Jurgot. Pour Valmoore, il ne faisait aucun doute qu’il savait.

Avec détachement, il se plongea dans la lecture. Il se devait de reconnaître à son « adversaire » une certaine plume, à défaut d’avoir lui-même une grande connaissance littéraire.

« L’apprentissage de la sorcellerie est quelque chose de long, quelque soit la voie choisie. Comme dit précédemment, la première étape est de maîtriser les énergies arcaniques existantes. Pour cela, l’étudiant devra disposer d’un objet imprégné de magie pour en extraire quelques bribes. Un tel objet existe sous de nombreuses formes mais est également rare : Il peut s’agir d’une relique des temps passés, d’origine inconnue, mais de façon plus générale, cela sera un artefact quelconque ayant reposé longtemps au contact de la magie. Vous pourrez ainsi constater que l’Académie des mages est principalement financée par la vente de livres imprégnés pendant des dizaines d’années par tout les sorciers qui fréquentent sa bibliothèque. Notez aussi que ceci ne se produit que grâce à la forme de magie que nous utilisons, la magie tissée, la seule à produire les résidus dont s’infusent progressivement les objets.

Une fois que l’apprenti aura commencé à maîtriser les quelques énergies à sa disposition, il s’ensuivra une période généralement frustrante pour lui, ou il devra s’entraîner à créer le tissage de protection autour de ses invocations. En effet, si avec quelques semaines d’exercice seulement, un étudiant arrivé à ce stade peut lancer ses premiers sorts, sa méconnaissance et son impétuosité l’amènerait probablement à libérer une quantité d’énergie mal mesurée et mal ordonnée, pouvant provoquer sa fin. Cette période varie grandement, en fonction de la capacité et de l’ambition du jeune homme, qui n’en est, rappelons le, qu’à sa dixième année ! Les plus téméraires patienteront quelques mois, les plus modérés s’accorderont cinq ans. La différence se fera à cette période.
Certains élèves imprudents ont, par le passé, décidé de tenter l’expérience au bout d’un mois. Leurs cendres sont gardées en vestige par l’Académie.

Cette période passée, la même sorte de sélection s’opèrera naturellement, laissant nombre d’aspirants blessés ou déclarés inaptes, mais pourra révéler les futurs grands sorciers de notre royaume. »
Valmoore replia le journal, l’air pensif. L’article avait un petit relent d’élitisme, mais rien d’étonnant si l’on songeait à l’auteur.

Il se remit à marcher, songeant à tout et à rien à la fois, aux intrigues qui devaient se produire au palais, à ses tours de garde à la caserne, aux races intrigantes qui peuplaient les terres ardentes, à la duperie de ses oncles. Son esprit se fixa sur cette pensée particulière : Autant Jurgot était présent à Cavenfer, se rendant au chevet de son neveu à intervalles régulières, autant Ray semblait continuer à errer aux bordures des colonies humaines sans qu’il en ait de nouvelles. Peut être ce dernier n’était il pas devenu un suppôt de Zerendis comme son oncle, ou bien n’avait il pas envie de le revoir.

Le jeune homme fit une moue à cette pensée. Ray était un baroudeur, relativement borné, qui n’était plus en très bonne entente avec ses parents, mais son neveu ? Ou encore n’avait il eu vent de son arrivée, mais Valmoore était persuadé que lui aussi savait.

Arrivé à destination, il balaya ces idées d’un geste, entrant machinalement dans l’imposante bâtisse de marbre blanc, dont la couleur jurait horriblement avec le reste de la ville, de loin plus terne, plus rouge.
La cour principale était flanquée de gardes de chaque coté, débouchant de part et d’autres sur d’autres cours plus petite. L’ensemble ressemblait vaguement au palais de Cavenfer, en plus vivant, ou simplement plus peuplé.

Ce qui frappait particulièrement Valmoore c’était l’étrangeté avec laquelle était gérée l’armée des terres ardentes : Il lui semblait que cela échappait à toute règle et à toute logique, en total contraste avec le reste de l’organisation des colonies. Quelques temps après son arrivée, la moitié de son unité avait été dispersée de part et d’autres. Ses quelques amis avaient connus le même sort : Thaddius fut affecté à Zerendath, Nazremous à Val-de-feu, Khenan au palais, lui-même à la garnison de Cavenfer. Thaddius avait d’ailleurs probablement péri, songea t’il.
Sans plus chercher à réfléchir à cette gestion déplorable, engoncé dans son corselet de mailles annelées, il partit de mauvais cœur à l’entraînement, se retrouvant dans la routine habituelle.

Quelques heures après, il atteignait, fatigué, le seuil de sa maison, ou un Jurgot Mendren plus tonitruant que jamais l’attendait. Son visage énorme était d’une joie que rien ne semblait pouvoir affecter, contrairement à Khenan qui semblait prêt à tomber dans les limbes du sommeil à tout moment.

A sa vue, le bourgeois affalé sur une chaise se releva précipitamment et recommença à parler d’une vive voix, comme si il eut voulu que tout le quartier l’entende :

« Ah ! Valmoore ! Je commençais à me languir ! »

La réplique de son neveu fut brève, celui-ci faisant à peine mine de l’apercevoir.

« Bonjour mon oncle. »

Mais Jurgot n’en démordait pas, étalant son allégresse :

« C’est un jour faste ! C’est un jour merveilleux ! Valmoore, Eva est enceinte ! »

Le jeune homme leva un sourcil. La femme de son oncle, il ne l’avait rencontré que très rarement et se représentait même difficilement son visage. Pour un peu qu’il ne lui ait pas présenté, il l’aurait tenue pour une domestique.

« Ah, eh bien voila une bonne nouvelle. »

« Mais ce n’est pas la seule ! J’en ai parlé aux environs d’hier au Seigneur-Mage, et il a reçu la nouvelle avec tant de bonheur qu’il m’a dit qu’il ferait organiser une réception au palais spécialement pour ça ! D’ailleurs tu y es convié ! »

Valmoore fut surpris.

« Moi ? »

Comme l’air d’un confident, Jurgot se rapprocha de lui, avec un clin d’œil d’intelligence et un tapotement d’épaule qu’il tenta de faire discret, contrairement à ses paroles toujours aussi fortes.

« Eh eh, oui, il est temps pour toi d’entrevoir ce qu’est la haute société ! Les arcanes du pouvoir. Tu sais ! Le pistonnage, et tout ! »

Un léger sentiment de dégoût s’empara de lui, alors même qu’il songeait qu’il s’agissait d’une occasion sans précédent.

-------------------------------------------------------------------------------------


Quelques heures s’écoulèrent par la suite, durant lesquelles Valmoore fut particulièrement nerveux. Khenan, lui, décida de laisser la son compagnon pour s’endormir à son tour. Retiré dans la chambre des deux hommes, une pièce rudimentaire ou ne se trouvaient que deux lits, une fenêtre et quelques meubles d’allure peu engageante, il terminait de préparer son breuvage de sommeil. Tous les habitants des terres ardentes ne pouvaient avoir le luxe d’un sorcier qui provoquait une nuit artificielle, la majorité devant se contenter d’un élixir que le gouvernement distribuait avec conscience.

Il se reposait sur son matelas depuis un temps qu’il n’aurait pu juger, déjà assoupi par le philtre, lorsqu’il vit la poignée de la porte tourner. Il lui eut été impossible de dire s’il dormait déjà, mais dans ce qui lui paraissait un rêve, il aperçut Valmoore entrer dans la pièce et chercher quelque chose dans la commode qui lui faisait face. Son compagnon sortit un coutelas d’un des tiroirs.

Toujours sans savoir si il était éveillé ou non, il tenta d’articuler :

« Valmoore ? »

« Quoi ? »

« Pourquoi tu les détestes tant ? Jurgot et Zerendis… »

Le jeune homme soupira et resta prostré la quelques instants, puis se rapprocha du dormeur. La voix teintée de tristesse, il répondit :

« C’est un monstre. »

Khenan n’eut aucune réaction.

« C’est lui le responsable de la mort de mes parents. »

L’esprit toujours plus ensommeillé, l’autre tenta de réfléchir et de recouper les informations. Les parents de Valmoore… les avait il jamais croisé ?

« Lorsque ils sont arrivés ici, Morend, mon père, est entré au service de la police secrète d’Adun. Les effaceurs, comme il aime à les appeler. »

Pause. Vision floue. Incapable de réagir, alors que les paroles de son compagnon recommençaient à résonner.

« Avant que notre compagnie n’arrive, Ilya, ma mère, s’était sévèrement opposé aux méthodes qu’employait le gouvernement… Elle dénonçait même ça. Et mon père… Il l’a vu être éliminé. Sous ses yeux. Il m’a dit tout ça lorsque je suis arrivé. Il m’a dit que lui-même était en danger, si jamais le Seigneur-Mage voulait assurer sa sécurité. Il m’a dit de ne pas en parler à Jurgot ou à Ray, qu’il les voyait s’aventurer de temps à autre dans le palais et qu’il n’avait pas confiance. Il m’a dit tout ça et je ne l’ai jamais revu. »

D’après les quelques échos qui lui parvenaient, Khenan déduisit que son ami était au bord des larmes, sans parvenir à comprendre l’intégralité de ses paroles et sans plus pouvoir bouger.

Valmoore se releva et, au terme d’un colossal effort sur lui-même, termina :

« Je vais mettre fin à tout ça. »

-------------------------------------------------------------------------------------

La salle de réception du palais de Cavenfer rayonnait des multiples chandeliers qui y étaient ostensiblement affichés. Si la façade du bâtiment et la majorité des ailes étaient d’une austérité presque effrayante, les pièces les plus mondaines débordaient d’un luxe qui se comparait presque aux standards des terres extérieures. Le but était de séduire, de toutes les façons possibles, chaque homme appréciant le faste et disposant d’un minimum d’influence dans les terres ardentes.

Jurgot, qui ne manquait pas de serrer des mains toutes les quelques secondes, passait son temps à présenter les invités à son neveu. A ce stade, son embonpoint était si considérable qu’on aurait pu dire qu’il était lui-même enceinte. Eva Mendren elle-même n’était pas présente, son mari déclarant avec quelques moues qu’elle préférait garder le lit, des « humeurs de femme » auxquelles il ne comprenait rien, disait-il.

Passèrent des dizaines d’hommes d’influence, ministres, bourgeois, officiers, sorciers ou scientifiques. Tout le monde ici semblait se connaître, faisant preuve de familiarités, tutoiement et autres marques d’un sentiment d’appartenance à une sorte de grande famille.

Finalement, Jurgot s’arrêta, faisant face à l’imposante stature de Ray Mendren. Celui-ci eut un éclat de rire formidable en apercevant Valmoore qu’il serra fortement contre lui pendant quelques secondes avant de le relâcher.

« Ah, le p’tiot ! Ca faisait bien longtemps ! »

Le jeune homme eut un sourire :

« Content de vous revoir mon oncle. »

Le visage joyeux de Ray eut une semblance d’indignation avant de retrouver son air affable :

« Oh, tu peux me tutoyer maintenant tu sais. A vingt ans, j’avais déjà abandonné ces politesses. »

Il laissa échapper un autre rire, puis reprit, discutant de tout et de rien avec son neveu fraîchement retrouvé, mais changea brutalement de sujet, une pensée furtive lui ayant traversé l’esprit :

« Au fait, Valmoore, tu as des nouvelles de mon frère ? »

Jurgot répondit vivement à sa place, la bouche remplie de petits fours :

« Bof, rien, je lui ai envoyé des lettres il y’a des mois et des semaines, mais j’ai jamais aucune réponse. Enfin si, une, qui disait qu’ils comptaient venir, mais depuis plus rien. »

Il se resservit encore une fois, plongeant avidement sa main dans un bocal de biscuits secs, tandis qu’il continuait à parler :

« Somme toute je pense qu’ils ne veulent plus nous revoir, ou alors qu’ils sont partis, Sa Grandeur sait ou. C’est ça Valmoore, hein ? »

Sèchement, le jeune homme fit mine de confirmer :

« Oui, ils sont partis. Ils m’ont demandés de les rejoindre ici si mon régiment y était détaché puis plus rien. »

Toujours en accompagnant ses paroles de mâchouillis et de mouvement des bras, le gros Mendren conclut :

« Voila, c’est bien ce que je disais. »

Les paroles ne purent reprendre que quelques instants avant que le maître des lieux ne fasse son apparition : Entrant par la grande porte centrale, Adun Zerendis fut remarqué par presque toute la salle. Il portait une simple robe blanche à col bleu et son visage ne trahissait aucune émotion.

Vivement, il salua qui lui tendait la main ou qui s’inclinait devant lui, retenant parfois l’attention d’un des invités en particulier pour quelques instants, murmurants quelques paroles inaudibles. Le silence s’était peu à peu fait, mais les discussions reprenaient au fur et a mesure qu’il passait dans les rangs.

Continuant son trajet dans la pièce en direction de l’estrade délibérément laissée vide, il parvint au niveau des trois Mendren, éprouvant tour à tour les poignes solides ou indolentes de Ray et Jurgot. Subitement, son regard croisa celui de Valmoore.

Le jeune homme le sentit presque impénétrable, tout comme son expression, alors qu’il avait la désagréable impression d’être examiné. Dans le même temps, le bras qui était resté le long de son corps recula imperceptiblement en direction de la poche ou il avait rangé le coutelas. Il n’avait même pas eu à s’inquiéter de la fouille, aucun invité n’avait été dérangé, tout juste contrôlé quand leur tête revenait à peine aux gardes.

« C’est donc la votre neveu, messieurs ? »

Les deux hommes opinèrent du chef, alors que le Seigneur-Mage tendait sa main vers le cadet du groupe.

« Enchanté. »

La voix n’avait aucun timbre, aucune sensation que Valmoore ne put reconnaître. A peine eût il touché le sorcier qu’il ressentit un étrange et oppressant sentiment. Le temps lui sembla soudain s’écouler aussi lentement qu’il était possible de l’imaginer. Son esprit tremblait, comme sondé par quelque chose. Désespérément, il tenta de camoufler ses pensées de révolte pour laisser place à un vide béant.

Adun leva un sourcil d’interrogation avant de lâcher prise et repartit de son ton neutre :

« Jurgot m’a souvent parlé de vous vous savez. »

Il sembla à Valmoore qu’il émergeait d’un autre monde et d’un autre temps alors même qu’il ne s’était écoulé qu’une infime poignée de secondes. Bafouillant quelque peu, aussi impressionné par la carrure du sorcier, qui atteignait presque la taille imposante de Ray ; que par l’expérience qu’il avait subit, il répondit :

« C’est flatteur. »

« Il m’a notamment dit que vous vous entêtiez à vouloir rester dans l’armée. J’avoue ne pas comprendre. Vous êtes pourtant un soldat de l’échelle inférieure, vous n’avez aucun rôle valorisant… »

Il fit une pause, comme marqué par un suprême dégout :

« Vous savez, je déteste avoir à énoncer des banalités, mais à la guerre, on meurt. Et la perte d’un membre d’une famille est toujours un évènement terrible, alors qu’il s’agit d’êtres irremplaçables… La famille… »

Un soupir.

« Dans ce monde troublé, c’est la loyauté qui peut assurer la victoire. Et la famille… En théorie, quoi de plus sûr ? »

Valmoore hocha la tête. Il n’arrivait pas à bouger, incapable de saisir le coutelas. Les paroles du sorcier résonnaient dans sa tête, mais ce qui l’empêchait vraiment d’agir, c’était la chose terrible qu’il apercevait dans ses pupilles. Opprimant et invincible, le regard du Seigneur-Mage le forçait à l’inaction de par la seule puissance latente qu’il lui inspirait.

« Enfin, prenez le temps d’y réfléchir. »

Il adressa un signe aux deux oncles puis repartit s’adresser aux invités restants. Le jeune homme resta la les bras ballants, regardant son opportunité disparaître. A cela s’ajouta le commentaire de Jurgot :

« Il a pas tord tu sais ! »

Quelques dizaines de minutes s’écoulèrent ainsi, laissant la salle dans une agitation croissante. Ray bavardait à propos d’une race étrange découverte dans les terres de l’est, cette zone presque exempte d’orcs. Il avait la ferme impression que les terres ardentes étaient à leurs manières divisées, comme les royaumes humains. La présence de plus en plus forte d’Ash’laru et la rencontre avec une chose tentaculaire étayait ses idées.

Mais finalement, l’agitation prit fin, le Seigneur-Mage, grimpé sur l’estrade, réclama le silence. Son masque de neutralité avait disparu et il laissait poindre ce visage à la fois sévère, impérial et rayonnant.

« Messieurs ! Je suis heureux de tous vous retrouver ici, en bonne entente, pour célébrer cet heureux évènement ! La naissance de quelqu’un est toujours, et, particulièrement en ces temps, un évènement d’importance. »

La salle se mit à applaudir, alors qu’Adun désignait Jurgot.

« Souvenez-vous, tout ce qui a été fait ici a été réussi parce que nous sommes restés unis. L’unité, mes amis, c’est la ce qui nous apportera le triomphe ! »

A chaque parole, il semblait s’enhardir un peu plus.

« Contemplez le résultat de plus d’une année de labeur : Un monde nouveau que nous avons soumis à nos règles, et ou la population obéit aveuglement. C’est là la plus belle des victoires, et je vous invite à célébrer cela ! »

Ce faisant, il balaya la pièce du regard, jaugeant ceux qui se mettaient à boire ou non. Parmi ceux la il nota brièvement Harman Empforth, Jurgot Mendren et Vorren Fereghan, en plus d’une poignée de conseillers d’importance moindre. Les trois premiers buvaient déjà plus que de raison. Comme prévu, songea-t-il. Le jeune Mendren s’était lui aussi laissé aller à des rasades nombreuses d’alcool, mais son état d’esprit échappait par trop au Seigneur-Mage pour qu’il n’en conclue quelque chose.

Au bout de quelques instants, il reprit la parole, concluant magistralement :

« Avant que je ne laisse la parole au principal concerné, et pour conclure mon discours, je tiens à vous rappeler que notre ennemi ne se situe pas qu’a l’intérieur. Les autochtones, même si aucun d’entre en vous n’a du en rencontrer, sont en marche. Mais, je tiens à vous rassurer. J’ai pris quelques mesures à ce sujet. Dans quelques jours, à peine, je ferais face à leur seigneur qu’ils craignent tant, cet Enlgorm. La population civile n’en a pas été informée, mais dès mon retour, je ferais organiser la cérémonie du triomphe. Cela réglé, une grande bataille fera rage face aux traîtres de l’intérieur, mais ce sera le dernier obstacle. Messieurs, je vous laisse en bonne compagnie ! »

Il descendit de l’estrade et quitta la pièce vivement, sous un tonnerre d’applaudissement, alors que les bouteilles de vin étaient frénétiquement débouchées.

Valmoore, déstabilisé, se servait verre sur verre de liqueur, sans trop savoir ce qu’il lui restait à faire. Il se sentait perdu. Il était venu avec la ferme intention d’abattre un vieillard qui l’avait intimé à l’inaction par son simple regard, et qui, quelques secondes après, annonçait à toute une salle que sa mainmise sur le peuple, les nouvelles terres et le royaume tout entier serait bientôt total.

Le jeune homme avait toujours eu un esprit plus critique que la moyenne, plus apte à se douter de la réalité des choses, mais cette scène incroyable ou l’ensemble de la classe dirigeante acclamait à l’unanimité un seul seigneur venait de chambouler toutes ses conceptions précédentes.

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Thaddius était allongé au sol, dans sa cage, cherchant un sommeil qui ne venait pas. Il ne ressentait plus rien, plus aucune émotion, hormis la fatigue et le désespoir. Il ne parvenait même plus à être dégouté par les trois cadavres qui se trouvaient a coté de lui, tué de ses propres mains avec une grande difficulté, et dévorés par les jeunes dragons.

Une des bêtes, plus grande que les autres, agrippa brutalement la prison du soldat et se mit à voler dans une direction inconnue. Recouvrant subitement quelques forces, Thaddius se retourna pour observer le terrain : Des stalagmites gigantesques qui formaient le territoire ou il était maintenu captif, il quitta au fur et à mesure cette région déchiquetée pour survoler des lacs de lave, des constructions orcs d’étrange architecture et finalement, un bâtiment colossal, ou la bête qui le tenait se dirigea.

L’entrée semblait gardée par quatre gardes, mais il n’y en avait en réalité que deux, les deux autres étant des statues tout aussi imposantes : D’une part, d’immenses démons, qui dépassaient largement la taille des murs de Cavenfer, scrutant les collines ardentes dévastées qui se tenaient en face d’eux. Les statues, tout comme le reste du lieu, étaient faites d’une roche d’une couleur inconnue jusqu’alors dans les nouvelles terres, une roche d’un rouge très foncé, dans laquelle étaient sculptés les reliefs d’êtres de flamme déments. Le dragon poursuivit sa route à travers la structure, illuminée par des coulées de magma en fusion. Tout semblait ici agrandit dix fois : Les statues représentaient tour a tour un élémentaire de flamme, une sorte d’humain déchiqueté ou un orc a qui l’on aurait arraché la chair, mais dont la dimension était sans commune mesure avec celle des temples habituels des autochtones. Car il s’agissait bien la d’un lieu de prière, en témoignaient les postures religieuses des Cultistes d’une stature immense.

L’architecture, cependant, semblait sommaire : L’ensemble n’était qu’un vaste couloir parsemé de statues, lave et ponts, avec quelques recoins créés ci et là, mais presque rien ne sortait de cet axe central. Il ne devait pas y avoir plus d’une cinquantaine de ces titanesques créatures, songea le jeune homme, avant que sa cage ne soit déposée au bord d’une colossale terrasse. En face de lui s’étendait un bassin infernal ou prospéraient des bêtes de feu pur, mais la chose qui se trouvait derrière lui le fascinait bien plus.

Gigantesque, noir, les bras et les mains massives, le torse rapetissant vers une unique pointe déchiquetée, des épaules saillantes terminées par des pointes et un visage de mort ou brillaient deux lueurs jaunes, flottant au dessus du sol, l’être ouvrit tranquillement la cage.

Les traits monstrueux d’Enlgorm étaient difficiles à déchiffrer pour le soldat, mais il ne percevait pas de colère ou de hâte réelle. Il en éprouva une sensation bizarre, ou il ne put s’empêcher d’avoir peur, alors que les griffes démesurées s’emparaient de lui pour le reposer à terre. Immobile, droit comme en I malgré sa faiblesse avérée, il écouta avec appréhension les premières paroles du Titan, résonnant comme un grondement sourd dans une caverne :

« Tu as survécu parmi trente autres, humain. Tu es digne de régner avec nous. »

Thaddius déglutit. Il voulut parler, mais celui que l’on titrait le Porte-mort n’avait pas besoin d’entendre pour répondre à ses questions.

« Ton âme première est morte. Ton esprit s’est plié et ton corps a abattu celui de tes semblables, pour une lutte a mort. Entre tous, c’est toi qui seras le premier à nous aider contre eux. »

« Oui, désormais, tu entreras dans les rangs des forces des terres ardentes. Tu seras à la tête de ceux de ton espèce qui nous rejoindront, et tu pourras siéger le jour de notre victoire. »

« Il te sera fait un don, un cadeau des êtres les plus puissants que ce monde ait jamais compté. Grâce à lui, tu seras en mesure de lever les morts et de les faire ployer à ta volonté, mais tu resteras toujours à notre service. »

Le Titan eut un léger mouvement des doigts et Thaddius tomba à genoux. Il avait beau trouver ces paroles terribles, autant par leur sens que par l’affreuse chose qui les prononçait, il était d’accord. Il ne pouvait pas contredire. Il n’avait plus aucune volonté propre.

« Mais tu dois d’abord être instruit. Viens. »

Enlgorm s’avança dans le temple, suivi avec peine par ce qui restait de l’homme. Ils passèrent sous des arcades gravées de runes rougeoyantes, d’autres bassins ou émergeaient de nouveaux êtres de lave, et finalement, ils arrivèrent à une grande salle décorée uniquement par quatre statues, la première à l’effigie d’Enlgorm, la seconde ressemblant à ZaK’Arian, la troisième a un grand démon et la dernière, plus gigantesque que les autres, une bête des flammes d’une apparence spéciale, comme si des anneaux de feu constituaient son corps.
Le Titan reprit la parole.

« Ceci est le tombeau de Volarth, dont les restes maudits sommeillent plusieurs dizaines de mètres sous le sol. Cela remonte à l’origine du monde, et pour accomplir ta mission, tu dois tout d’abord réaliser qui tu sers. »

Il enroula l’un de ses doigts de cendre autour de la tête de Thaddius, qui se mit à trembler et irradier d’énergie magique. Pendant les quelques secondes qui s’écoulèrent, un flot d’information lui parvint, d’une façon que même les sorciers de Taer n’avaient su réaliser, car il ne se contenta pas d’entendre des paroles, mais se représenta les scènes.

Il commença par voir une étendue de noir, ou jaillit subitement une explosion, un déchaînement d’énergie incomparable. Pendant un temps que nul ne saurait estimer, ces énergies se répandirent dans un univers grandissant en taille à chaque instant et elles commencèrent à se heurter et à se rassembler. Les premiers rassemblements continrent des forces qu’il peinait à s’imaginer, d’où émergèrent peu à peu les premières consciences. Il sut qu’Enlgorm les appelait les Premiers. Il n’y en eut qu’une poignée dans tout le cosmos, mais celle-ci développèrent au fur et a mesure une intelligence d’une complexité grandissante. Ils n’étaient que des pensées magiques sans lien avec le monde physique, fixés à un endroit précis et n’aspiraient qu’à rester ainsi pour l’éternité.

Mais les millénaires suivants virent la formation de nouveaux rassemblements, de moins en moins importants et de moins en moins puissants, alors qu’en même temps émergeaient les premières planètes. Les esprits nouvellement formés n’étaient pas aussi intouchables que les Premiers et prirent peu à peu une forme physique. Le premier d’entre eux sur ce monde prit la forme d’un être de feu titanesque et brûlant éternellement tandis que le deuxième, résultat d’un amoncellement plus important d’énergie, resta dans son état de magie pure pendant quelques décennies supplémentaires.

Le monde commençait à prendre forme alors que s’éveillaient les Dieux, dont Ragnar fut le premier à obtenir un avatar physique. Poursuivant leur course dans l’univers, les énergies continuèrent à s’agréger, formant encore et encore de nouvelles consciences, moins puissantes mais non moins immémoriales, les Titans. Apparurent ainsi Enlgorm et ZaK’Arian, qui ployèrent devant le Dieu des flammes et décidèrent de façonner ce monde.

Mais les Premiers étaient également sensibles à la proximité d’éléments tangibles. Ce monde s’édifiait peu à peu au cotés de celui dont la première pensée fut « Volarth », et c’est ainsi qu’il s’intitula. Réalisant que la présence de matériaux l’attirait peu à peu vers le plan physique, Volarth entreprit de détruire le monde naissant, y compris les trois êtres qui y avaient trouvé résidence.

Une terrible bataille s’engagea, que Thaddius crut revivre en face de lui. La simple pensée du Premier suffisait à balayer les deux Titans, mais Ragnar se dressait encore. Le combat se prolongea pendant des années, et finalement, Volarth du capituler à la pression matérielle exercée sur son esprit, apparaissant enfin sur le plan physique. La chose n’avait aucune cohérence, ressemblant à une série de racines vert sombre qui se ployaient vers le noyau de l’être. Pendant longtemps encore, Ragnar frappa, aidé d’Enlgorm et de ZaK’Arian, avant que ne surgisse réellement la forme finale de Volarth. Il ressemblait en quelque sorte au Porte-mort, quoiqu’en bien plus simple. Carré, anguleux, mais encore plus colossal. De part ses pensées, il parvint à abattre les Titans, pour céder finalement face au Dieu des flammes.

Celui-ci commença alors à façonner le monde, avant d’être interrompu par l’arrivée de l’autre Dieu. Le flot d’informations délivrées par Enlgorm ne couvrit que très rapidement cette période, d’où lui-même ne savait que peu. Il apparut que cet autre Dieu créa la race des hommes là ou Ragnar donna la vie aux êtres de flammes, démons et autres créatures hideuses, notamment des êtres tentaculaires violacés qu’il considéra comme un échec.

Les deux dieux se livrèrent un combat au travers de leur races, et le second triompha. Ils décidèrent mutuellement de se partager le monde, Ragnar étant libre de dominer les entrailles, le second seul maître de la surface. Pour tout titre ou nom qu’il eut, Ragnar ne le désigna jamais que comme « Le Vainqueur ».

Par la suite, le dieu des flammes créa les Orcs, race taillée pour la guerre, dans l’espoir de prendre sa revanche un jour, mais le Vainqueur se laissa disparaître dans les limbes, retournant à sa forme première purement magique, ayant placés quelques résidus de sa présence autour du monde.

Craignant que la carcasse de Volarth ne reste à la portée de chaque créature mortelle que les deux dieux avaient enfantés, Ragnar l’enterra sous ce qui fut ensuite le Temple des flammes. Avec précaution, il redirigea une part des énergies du cadavre pour ramener l’esprit brisé des deux Titans dans leurs nouveaux corps. Malgré leur apparence – vaguement inspirée de Volarth pour Enlgorm et celle d’une des premières formes des orcs pour ZaK’Arian, les deux êtres remercièrent leur dieu par leur service éternel. A son tour, le Dieu des flammes disparut dans les limbes, après avoir laissé une attache physique dans les terres ardentes, laissant à leur charge de veiller sur ce qui fut l’un des Premiers. La Garde des Cendres, ces titanesques démons, furent bénis par le Dieu des flammes pour garder ce lieu ou est enterrée la chose, car après tout, il n’est pas certain ; même pour ces êtres immémoriaux, que celui qu’ils affrontèrent soit réellement mort.

Les milliers d’années qui passèrent semblèrent s’écouler à une vitesse extrême, avant que Thaddius ne se retrouve à nouveau a l’instant présent, Enlgorm patientant à ses cotés. Les dernières bribes d’informations lui vinrent à l’esprit, montrant d’abord l’agrégation des derniers résidus magiques originels, formants telle ou telle créature connue comme Incendius, Kal, Valhar’zad ou Nihilus. Enfin, il fut saisi par l’arrivée brutale des évènements de cette dernière année et il reconnut alors toute l’étendue du pouvoir et des plans de son nouveau maître.

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Val-de-Cendres grouillait d’une activité frénétique. Des dizaines de soldats s’affairaient dans tout les sens, évacuant les derniers civils qui restaient dans l’enceinte de la forteresse. Chacun était sur le pied de guerre, le cœur battant, tous conscients que la bataille allait sans doute bientôt éclater – sinon, pourquoi les aurait on détaché la ?

Un groupe conséquent de mage se tenait sur la place centrale du bastion, canalisant divers rituels, alors que quelques un de leurs confrères parcouraient les murailles, desquelles scrutaient des archers attentifs.
Venait enfin le Seigneur-Mage Adun Zerendis, trônant au milieu de cette agitation, l’air sûr de lui, se frayant un chemin dans les rangs en exhortant ses troupes.

La cité comportait une grande tour principale faisant office d’hôtel de ville, de quelques bâtiments civils et de murs hexagonaux, ornés d’une tour massive à chacun de leur angle. Val-de-Cendres n’avait pas été choisi par hasard : En plus de ses défenses considérables, elle surplombait un vaste dénivelé de terrain strié de quelques fleuves de lave ardente. De l’autre coté se trouvaient les terres humaines et patientaient un régiment de cavaliers, cachés par les caprices du terrain : Le toit et le sol du monde souterrain se touchaient par l’œuvre d’un grand pilier de roche rouge d’où partaient des arcades de pierre en de multiples directions. Toutes débouchaient sur des falaises dominant les lacs de magma qui donnaient naissance aux fleuves, sauf une, celle d’où était venu l’armée d’Adun, derrière laquelle se discernaient quelques installations humaines.
Cela faisait déjà cinq heures que le sorcier patientait là, attendant la venue du Titan, mais rien ne se passait. Tous les éclaireurs revenaient mais aucun ne rapportait la présence d’un rassemblement ennemi. Soit ceux-ci étaient invisibles, soit ils ne viendraient pas de sitôt.

Un mouvement sur les murailles attira son attention : Quelques hommes affirmaient avoir vu quelque chose sur le flanc ouest de la forteresse. Constatant que les curieux se regroupaient, il monta les marches pour arriver à son tour sur les murailles, sans rien apercevoir.

De l’autre coté du bastion se firent alors entendre les éclats de voix des soldats, clamant qu’un on-ne-savait-quoi était passé dans leur champ de vision, puis des cris semblable partirent du coté sud, et la citadelle se perdit dans un assourdissant brouhaha.

Ni Adun ni aucun des officiers n’eurent le temps de commencer à ramener le calme qu’a nouveau, à l’aile nord, les militaires se remirent à hurler, mais cette fois ci de peur plus que de surprise. Finalement, il n’était peut être pas surprenant qu’aucune armée n’ait été repérée. Enlgorm n’en avait sûrement pas besoin.

Descendant lentement de dessous l’une des arches rocailleuses, la créature titanesque, noir-cendre et déchiquetée s’avança vers la forteresse, en direction du Seigneur-Mage. Dans son for intérieur, celui-ci ne put retenir un frémissement lorsque l’être colossal s’approcha des murailles qu’il égalait presque en taille – les dépassant par sa lévitation.
Gardant le contrôle de soi, contrairement au reste de la garnison qui tremblait de peur alors que la chose s’était immobilisée à quelques mètres des remparts, Adun lui décocha en hurlant joyeusement :

« J’ai bien l’honneur au dénommé Enlgorm, c’est cela ? »

Lentement, le Titan dodelina de la tête, ses yeux jaunes fixant le sorcier, qui avait de plus en plus chaud. La réponse fut énoncée par un écho caverneux qui mâchait et égrenait ses paroles :

« Oui. Je suis heureux de voir que vous avez tenu votre parole, humain. Nous allons pouvoir conclure. »

Adun observa pendant la longue énonciation tout ce qu’il pouvait constater de notable. Il fut surpris par le peu d’énergie magique que laissait transparaître la chose, et de l’incroyable densité des quelques fragments qui s’en échappaient. Sans laisser le temps à l’autre de poursuivre, il s’égosilla à nouveau :

« Vous doutiez de ma présence ? Vous pensiez que j’aurais … peur ? »

Les deux orbites de l’être s’agrandirent, laissant s’étendre la flamme jaune qui bouillait à l’intérieur. Une seconde fois, il fit dodeliner son crâne noirci, considérant le Seigneur-Mage.

« Cela aurait été… légitime. »

Le sorcier se força à un rire tonitruant.

« Je ne crains rien vous savez. Des rebelles, des nobles, d’autres sorciers, des monarques influents, des assassins et cent fois pire encore m’ont promis ma mort. Même votre collègue, avec son harnais de feu, s’est contenté de perdre la face. Deux cent ans que j’arpente ce monde, qu’existe-il qui puisse me défier ? »

Le visage déchiqueté se balança une troisième fois, après quoi le Titan expira fortement. La température s’éleva, faisant frémir la garnison, incapable d’agir, pétrifiée par la peur.

Lentement, le regard fixe comme fasciné par quelque chose, Enlgorm avança son bras, main ouverte vers le Seigneur-Mage, murmurant :

« Nous allons voir. »

Avant que la poigne titanesque ne l’atteigne, Adun rugit, tendant ses deux bras en avant, provoquant une puissante rafale de vent, sans réel effet. Les griffes se rapprochaient toujours de lui, sans qu’il daigne s’en inquiéter. La forteresse était silencieuse, chaque homme sur le point de détaler, alors que la serre noire s’apprêtait à se refermer sur leur chef.
Subitement, alors que l’étau paraissait prêt à enserrer sa frêle cible, la bête s’immobilisa. Elle porta sa seconde main à son thorax, tandis que ses orbites se rétrécissaient et qu’Adun éclatait d’un fou rire dément qui sembla emplir toute la caverne.

D’une vivacité qui contrastait avec ses actions précédentes, le Titan désengagea son bras et tourna sa tête derrière lui. Il dévisagea le sorcier une fraction de secondes puis s’envola à toute vitesse vers une destination inconnue, cependant que l’enjouement du Seigneur-Mage se tarissait.

Il lui fallut quelques secondes pour commencer à réaliser et à exprimer ses premiers doutes, maugréant d’une voix à peine audible :

« Ca n’a pas… marché…. Pourtant… J’étais sûr que… »

Et pour une fois, il ne fut pas sensible à la clameur frénétique de la foule qui s’élevait dans son dos.

Enlgorm, lui, traversait des dizaines de kilomètres à grande vitesse, lévitant au dessus de lacs en fusion, de forêts de champignon et de déserts de rocs, le visage teintée par une semblance d’angoisse. En une dizaine de minute à peine il arriva à la source de son émotion. Oui, ce magicien diabolique l’avait fait provenir de la. Sans aucun doute, la brise qu’il avait créée n’avait fait que déclencher le signal, ce signal atroce qui l’alertait.

Le lieu était une zone aux pics déchiquetés, pointés vers le sommet tel des stalagmites, mais penchants fortement. Au centre, un cratère d’où s’échappaient quelques jets de magma, et, bien au dessus, flottant dans les airs, une boite de petite taille.

Avec précaution, le Titan saisit l’objet, la sensation de douleur se faisant chaque seconde plus insistante. Il ouvrit la boîte, découvrant comme seul et unique contenu, le médaillon qu’il avait confié à Var’zok et la tête de ce dernier.

Il referma sa paume lentement sur le conteneur, braquant un regard vers la lointaine forteresse, puis poussa un formidable cri de rage qui retentit jusqu’à Cavenfer même.
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MessagePosté le: 04/05/09 20:25    Sujet du message: Citer

Chapitre VI

Taerenas contemplait le champ de bataille qui s’étendait devant lui avec un bizarre sentiment mêlé de fierté, de hardiesse et de dépit. Voir enfin Taer, son royaume, repartir vers la conquête du pouvoir sous ses propres ordres, c’était la une émotion presque incomparable. Sous son règne ne s’étaient déroulées qu’une poignée de révoltes et d’invasions mineures, pour lesquelles il ne s’était même pas déplacé personnellement, dépêchant tantôt général, tantôt le Seigneur-Mage. Mais la, désormais, ou que le regard puisse le porter, les mouvements de troupes étaient ceux qu’il avait lui-même ordonné. A cela s’ajoutait cette rage intérieure qui bouillait véritablement et qui l’aurait poussé à se jeter dans la bataille en hurlant, épée à la main, si son âge ne l’avait pas arrêté. Il avait plus de quatre-vingt ans après tout, malgré qu’il en parut quarante. Tous les rois disposaient d’un régime suivi de nourriture infusée à la magie, de potions et médicaments concoctées par les plus grands alchimistes et lui-même, du sang de feu Taerevath, le roi-sorcier, son grand-père, qui, à cent-trente ans paraissait encore à la moitié de sa vie. Taeran, son propre père, n’avait pas dépassé les quatre-vingt dix, emporté par la vieillesse qui avait accrue son emprise sur lui de manière fulgurante pendant ses dernières années.

Mais de cela aucune importance, car si Taeran n’avait été qu’un piètre successeur à celui qui avait fait trembler tout le continent, Taerenas comptait désormais créer sa propre légende. La situation actuelle le démontrait.

A vrai dire, la bataille n’était pas forcément en sa faveur. Si peu nombreux et désorganisés qu’ils étaient, les adversaires du royaume ne se rendaient pas. Le combat avait lieu à deux contre un, mais un épéiste de Taer contre un guerrier de Froevudd n’eut pas été un combat équitable. Les rudes hommes du nord se tenaient parmi les meilleurs soldats du monde, habitués à manger peu, dormir peu et se battre beaucoup. Leur stature imposante et leurs armures d’un métal glacé leurs donnaient un avantage considérable sur le fantassin de ce vaste royaume, mais ceci ne rentrait pas autant en compte en bataille rangée qu’en duel.

Tout de même, cette troupe inattendue qui avait débarquée en chargeant il y’a quelques heures restait imposante à voir. Le lendemain a peine de la mise en déroute du Maître Ildur, les messagers et les agents de la Ligue s’étaient démenés dans chaque endroit ou ils grouillaient pour transmettre aux deux autres régisseurs de l’organisation que leurs plans tournaient mal. Taerenas eut l’intelligence d’expédier immédiatement à Cavenfer les troupes qui avaient été stationnées à Taerath par la Ligue, mais tout le reste des armées conjointes des deux pays avait reçu des ordres émanant de ceux qui tiraient les ficelles depuis trop longtemps. A cela s’ajoutaient les multiples révoltes fomentées par quelque baron désireux de pouvoir qui risquaient de plonger à terme le royaume dans le dénuement, mais ce n’était la encore qu’une faible menace. Le monde entier semblait près à exploser désormais : Chaque pays fourbissait ses armes pour un futur très proche, tous désireux de prendre possession de l’unique chemin vers la nouvelle terre.

Toutefois, la situation n’était pas désespérée, on pouvait encore nouer des alliances. Et quand bien même les autres nations se dresseraient à leur tour, la Ligue elle-même tremblait déjà. Oui, c’était certain, cette organisation restée si longtemps discrète livrait désormais ses opérations ouvertement en plein jour, la bataille actuelle en témoignait. Et si les bannières portaient encore les couleurs des nations d’origines des soldats, les généraux arboraient tous l’honnie insigne du blason noir.
C’est alors que Taerenas aperçu une deuxième vagues de soldats ennemis qui déferlaient la colline par l’est. Une nouvelle fois, il se retint de se jeter dans la bataille, mais ne put s’empêcher de ressentir un soupçon de joie. Depuis qu’il s’était débarrassé d’Ildur, et à chaque élan qu’il réfrénait, il se sentait naître véritablement, comme si son véritable caractère était resté caché pendant les dizaines d’années de sa longue vie. Cela était comparable aux premiers chocs qu’il avait reçu dans sa jeunesse, lorsque ses précepteurs lui dévoilaient la réalité du monde politique et de sa tâche ; à ceci près qu’ici, on ne se battait pas à coup de lettres, messages, vote ou discours, mais qu’on ferraillait avec hargne.
Aussi, il se tourna vers ses généraux. Vieux, barbus et patients où jeunes, forts et fougueux ; presque tous provenaient soient d’une lignée de militaires ou d’une académie prestigieuse, et de tous ceux la il n’en avait pas encore l’usage. Celui qu’il lui fallait, c’était le Général Garnan. Un homme aux multiples facettes que ce Garnan, intéressé à la politique aussi bien qu’au combat et fort intègre. Mais surtout, quelque chose le différenciait de n’importe lequel des autres officiers présents à ses cotés : C’était un colosse. Mesurant près de deux mètres de hauteur, sa stature imposante et ses muscles saillants lui donnaient l’air d’une masse sculptée dans la roche qu’on aurait coloriée comme une peau humaine. Son armure aux épaulières dorées et au corselet d’un azur sombre lui donnait d’autant plus d’importance qu’elle était ornée ça et là de plaques de métal effilées qui semblaient aisément capable de trancher n’importe quel fou qui se serait approché du mastodonte. Souvent, les gens de la cour se plaisaient à marmonner que la gloire et le pouvoir ne s’accommodaient pas de l’honneur, mais au vu de la formidable carrière du général, on pouvait facilement le contredire.

Taerenas lui signala simplement de s’occuper du flanc est. Avec un grognement, le visage carré et parsemé d’une barbe et de cheveux noirs du militaire se tourna vers un groupe de cavaliers qui patientaient à quelques pas de la. Les Elites de Garnan, ses chevaliers entraînés et sélectionnés par lui-même. Il ne devait pas y’en avoir plus d’une cinquantaine dans le royaume, et il les connaissait tous, les ayant formé personnellement. Ils passaient pour les meilleurs combattants de Taer, tous des hommes du nord, aussi coriaces et doués au combat que ceux de Froevudd, tous de la même stature que leur général.

A son tour, Garnan monta sur son destrier, et, sans se préoccuper de se coiffer de son heaume, chargea dans la bataille, suivi instinctivement par ses hommes.

Le monarque huma l’air du combat. Il entendit les épées qui s’entrechoquaient, il vit les armures cabossées par les coups et le sang qui s’écoulait, puis, réfrénant une dernière envie de brandir sa propre arme en première ligne, retourna à ses plans d’attaque de la capitale de Froevudd.

Quelques heures s’écoulèrent avant que les troupes de la Ligue n’abandonnent la lutte. Les sorciers du nord survivant tentaient de protéger la retraite des troupes, mais les forces de Taer ne les poursuivirent pas. Laisser le roi et la moitié de son état-major sans protection aurait été suicidaire.

Après le compte-rendu de la bataille, Taerenas s’aventura à travers le campement de fortune qui se mettait en place. La région était sans doute infestée d’autres contingents ennemis, et il était préférable d’attendre l’arrivée des renforts qu’un de ses commandants lui avait promis.
Il trouva Garnan assis sur un rocher à l’écart du reste des hommes, occupé à aiguiser une épée.

Comme avec un vieil ami, le roi s’assit à ses côtés, admirant la lame pendant quelques instants, avant de questionner :

« Eh bien, général, comment s’en sont tirés vos hommes ? »

Le militaire ne détourna pas les yeux de son arme, puis répondit, comme si il s’agissait de choses banales :

« Bien. Varfhus a reçu une entaille à la jambe, Keller une flèche à l’épaule droite et Jarram a mangé un éclair de feu de la part d’un de ses lâches en robe. Mais ils vont s’en tirer. Keller est déjà sur pied, et les autres chevaucheront à nouveau d’ici deux jours. »

Taerenas acquiesça. Il resta silencieux durant quelques minutes, avant que Garnan ne reprenne, tout en jaugeant si l’arme était assez affutée :

« J’ai vu des trucs bizarres dans leurs yeux aux Froeviens. Ils hésitaient. Ils ne savaient pas trop pourquoi ils nous tapaient dessus. Si vous voulez mon avis, on devrait pouvoir faire chuter ce pleutre d’espion d’ici, rien qu’en faisant comprendre aux gars d’en face qu’ils bossent pour un traître. »

Le monarque opina de la tête, alors que son général continuait son discours :

« Mais ça prendrait du temps. Et sur le flanc est, on a Aerrad. Faudra faire comme vous avez dis : Longer les Principautés, récupérer les hommes de Morvhulf et traverser le canyon du Grondant. Le vieux Morvhulf aime pas la Ligue, et vu comment il tient à ses terres, y’a aucun risque qu’on se prenne une embuscade avant de déboucher sur les grands-plaines. Après, si c’est le jeunot qu’a repris le domaine familial, je propose de l’emmener avec nous. Je l’avais croisé à Torvhemar, le fils Morvhulf, quand il était… encore plus jeune. Ah, ça, lui il leur aurait sans doute déjà ouvert ses portes à ces canailles ! »

Taerenas sourit à la conclusion de son général. Ces paroles rassurantes exacerbaient ce sentiment qu’il avait depuis si longtemps. Dans quelques semaines à peine, le Grand Maître de la Ligue serait destitué. Le Maître Jored. Il ne l’avait jamais rencontré, à vrai dire, il n’avait jamais vu qu’Ildur parmi les trois éminents membres de l’organisation, mais même celui-ci restait évasif à propos du principal dirigeant. Le Maître Erana devait être « nouvelle », car il n’en avait jamais entendu parler avant les évènements du palais, mais il y’avait fort à parier que Jored était le plus ancien d’entre eux. On le disait toujours apte à surprendre. Cette dernière pensée inquiéta le monarque.

« Vous avez bien envoyé des éclaireurs, Garnan ? »

Le général grogna.

« Bien sûr. Ervam et Tholgar. D’ailleurs… »

Garnan se gratta le menton d’une main, tenant l’épée dans l’autre. Il poursuivit en marmonnant :

« D’ailleurs il devraient déjà être rentrés. Ils sont partis au lever du soleil, il commence à faire nuit. On n’a pas trois heures entre ici et le domaine de Morvhulf quand même ! »

Il se leva précipitamment, suivi par Taerenas, qui commençait à soupçonner le pire. Sur le chemin, l’officier maugréait :

« Bougres d’idiots… Ils ont dû provoquer le jeunot… Ou alors ils ont passé le pont, pour couper autour du lac et ils sont tombés sur des gardes des Principautés. Je leur montrerais moi. »

Le roi frissonna subitement. Les Principautés étaient une immense confédération de comtés et de baronnies indépendantes qui se réunissaient pour échapper à la domination d’empereurs ou de rois peu accommodants.

Si la communauté des petits seigneurs ne comportait qu’une poignée de territoires au départ, elle avait ensuite rapidement grandie pour longer tout le royaume de Taer à l’ouest et se doter d’un accès à la mer dans le nord. A ce titre, les débuts désastreux du règne de Taeren furent fortement profitables à ces territoires indépendants, qui grappillèrent quelques duchés frontaliers, jusqu’à ce que le Seigneur-Mage de l’époque n’envoie son prometteur élève, un dénommé Adun Zerendis. Les Principautés avaient alors cessées leurs attaques sur Taer, mais la valse des conseils qui supervisaient et guidaient les actions des communautés, au gré des élections qu’organisaient les seigneurs, ne garantissait pas la venue, tôt ou tard, d’une nouvelle assemblée plus vindicative. Au vu de la situation, il fallait à tout prix éviter une entrée en guerre d’un troisième territoire frontalier. Et si jamais les éclaireurs de Garnan avaient provoqués des hommes des Principautés… Taerenas préféra ne pas continuer à y penser.

Garnan s’était arrêté subitement au niveau d’un garçon d’écurie qui s’occupait des chevaux. Il s’adressait violemment au jeune homme, d’apparence frêle, lui désignant un destrier blessé.

« C’est la monture de Tholgar ça ! Il est rentré depuis quand ? »

Le garçon d’écurie répondit, penaud :

« Ben, depuis quelques heures général, mais vous étiez sur le champ de bataille et… »

Le colosse réprima l’envie d’insulter son commis de tous les noms. Il fit signe a Taerenas de le suivre, se dirigeant vers l’est du campement ou se trouvait les infirmeries de fortunes. Le général fulminait, s’exaspérant tout seul :

« Ah, monseigneur, on peut dire que Valtem est un bon garçon d’écurie, ça oui, mais alors comme messager, je l’aurais déjà flanqué dix fois à la porte si j’en avais trouvé un autre, croyez moi bien. »

Une nouvelle fois, l’officier se stoppa et déplaça le voile d’une tente sous laquelle se dévoilaient une vingtaine de blessés, allongés à même le sol, que quelques médecins s’affairaient à guérir.

Il balaya la salle du regard, puis fixa son attention sur l’un d’entre eux, étendu à quelques pas de lui. Avec précaution il traversa la tente, évitant les guérisseurs autour de lui, puis se pencha vers celui qui était presque assoupi. Il portait une plaie conséquente à l’épaule droite, et tout son bras gauche était marqué par un sillon de sang séché. Le reste du corps était caché par les habits et les bandages, et la tête elle-même ne semblait pas atteinte. Le visage saillant du soldat, un blond moustachu d’âge moyen, restait intact.

Le général s’agenouilla auprès du blessé et s’adressa à lui en murmurant, d’une voix douce qui contrastait avec le personnage :

« Tholgar ? »

Tholgar geignit.

« Mon général ? »

« Il s’est passé quoi ? »

« Oh, bon sang mon général, on a fait ce qu’on a pu. On est parti chez Morvhulf, mais Ervam y a laissé la vie. Ah ça, on s’y attendait pas. La bas y’avait autant d’hommes avec leur tunique du faucon jaune sur fond noir que prévu. Les troupes du vieux Morvhulf, ça que oui, il est toujours bien en vie. Par contre, la ou on a battu en retraite, c’est quand on a vu que y’avait au moins deux fois plus de types avec leur tabard violet foncé ; vous savez, celui avec la tour au milieu… Ouais, c’était les soldats des Principautés. Faut croire que l’vieux Morvhulf veut son indépendance. »

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Adun ne savait plus quoi penser. Il était rentré à Cavenfer depuis quelques heures, mais il s’interrogeait toujours sur la manière dont il devait considérer la rencontre avec Enlgorm.

Il réfléchissait à tout cela dans ses appartements du palais, les yeux comme toujours tournés vers une des vitres de la pièce, observant son œuvre baignant dans la lumière rouge des terres ardentes.

La vision des volcans en fusion et des formes de vie primitive qui peuplaient le monde souterrain lui semblaient posséder un élément de réponse, mais plus il observait les quelques plaines désolées qui s’offraient a son regard malgré les murs de la cité, plus il avait l’impression de s’éloigner de cette réponse.

A nouveau, il songea à la manière dont il avait créé son enchantement. Il avait d’abord dissimulé les liens entre le talisman et le Titan, de sorte qu’Enlgorm ne puisse se douter du lieu ou se trouvait son serviteur. Ensuite, il les avait renforcé de manière à ce qu’une simple douleur infligée à la carcasse de Var’zok se répercute en une souffrance extrême pour son maître.

Mais cela n’avait pas marché. Pourquoi ?

On toqua à sa porte. Un simple serviteur qui lui annonça qu’il était attendu pour donner ses directives au Général Fereghan et au Père Algor Derenmith.

Il se contenta de le chasser en lui claquant la porte au nez. Il songea un instant à Derenmith, toujours d’aussi bonne humeur et dévoué à son église, et qui, depuis la mort de Valandre, s’était retrouvé à la tête des religieux. Quelle magnifique occasion pour le Seigneur-Mage de profiter alors du prêtre crédule.

Mais il balaya ses pensées pour se concentrer à nouveau sur le dysfonctionnement de son enchantement. Il resta prostré là pendant dix minutes, à scruter l’horizon ardent au travers de sa vitre, sans réponse.
Ce n’est que lorsqu’il se décida à quitter ses appartements que lui vint l’illumination, accompagnée d’une grande colère envers lui-même.
Comment avait-il pu croire qu’un être millénaire aurait pu être sensible à une once de cette magie tissée qu’il avait sans doute maladroitement insérée dans le talisman ? Comment avait-il pu négliger, lui, la possibilité que les sortilèges des terres extérieures puissent se révéler inefficace face aux protections naturelles d’une sorcellerie certes antique, mais sans doute particulièrement maîtrisée, que possédait la créature ? Dès lors, utiliser de grandes quantités de magie tissée contre le Titan lui parut dérisoire. Les fragiles protections qui entouraient les maléfices de douleurs avaient du céder sans aucun doute face aux émanations sauvages d’énergie arcanique qui s’échappaient de son adversaire.

S’il voulait l’abattre, alors il lui faudrait puiser à son tour dans les enchantements anciens. Et c’était là l’occasion rêvée de faire intervenir à nouveau Enshina.

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Taenil fit ouvrir la porte de la cellule d’Heradh par les deux gardes qui l’escortaient. Le Seigneur-Général d’un jour tressailli à la vue du sorcier, mais ne laissa paraître aucune autre réaction et ne fit aucun autre geste, tout enchaîné au mur qu’il était.

Le magicien à la longue barbe blanche parut amusé et fit signe aux deux soldats de le laisser. Paisiblement, sans dire mot, il s’assit aux cotés du détenu.

Heradh le regarda avec curiosité, puis prit la parole au bout de quelques secondes, bégayant :

« Qu’est ce que… vous m’voulez ? »

Toujours souriant, Taenil eut un soupire hilare. La détresse dans les paroles de l’agent de la Ligue était percevable. La tâche ne serait sans doute que trop facile. Il articula tout en baillant :

« Mais rien. Rien du tout. »

L’autre le considéra d’un œil hagard, sans trop comprendre. Taenil reprit :
« Enfin… Ca dépend si vous êtes prêt à collaborer. »

Harassé par les interminables heures qu’il avait déjà passé, sans cesse affamé et menacé de mort par les geôliers, Heradh répondit du tac au tac :

« Oui ! Je ferais tout ! Ce que vous voulez ! »

Le sorcier fut amusé :

« Vous craquez déjà ? Eh bien, dans le passé la Ligue choisissait mieux ses agents… »

« Je… J’suis pas un de leurs agents. J’ai juré fidélité c’est tout. C’est Ildur qui m’a proposé ça. J’avais dit à un de mes hommes qu’fallait changer d’roi. Puis c’était un espion. Alors voila… »

L’ami d’Adun se mit à rire :

« Je n’en espérais pas tant. Ils étaient tellement sûrs d’eux pour vous envoyer ici avec une escorte aussi maigre ? »

L’ex-officier acquiesça vivement :

« Ah ouais ! Ils étaient totalement confiant au Palais. Taerenas était bouclé, il disait rien, ils avaient prit Froevudd et Aerrad et puis… J’ai été envoyé ici. »

Taenil commenta d’un autre rire, puis prit un visage plus sérieux :

« Soit. Et maintenant vous êtes prisonnier. Vous savez, je peux vous en faire sortir. »

« En échange de quoi ? »

« Oh… trois fois rien. Des renseignements. Et puis, si vous coopérez sans faire d’histoire, on pourrait envisager quelque chose de plus glorieux. Ce n’était pas si mal à Verenath, l’alcool à volonté, les chambres luxueuses… Hm ? »

L’homme fixait Taenil avec avidité.

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Ildur s’éveilla d’un long sommeil. Ses yeux embués distinguèrent peu à peu une pièce en pierre, puis les longues chaînes qui le retenaient attaché au mur. Sur sa droite une fenêtre, sur sa gauche une lourde porte et en face de lui, une sorte de laboratoire sur lequel travaillait un homme vêtu de rouge qui lui faisait dos.

Le Maitre de la Ligue tâcha de rassembler ses souvenirs avant de montrer qu’il était réveillé. Quelques images lui revinrent en tête : Taerenas, enrageant subitement et chassant la Ligue du Palais, puis lui tentant de sauter dans les douves et rattrapé par d’étranges oiseaux. Il referma les yeux, guettant les mouvements de l’alchimiste, en espérant qu’il s’approche de lui.

« Ne faites pas semblant, je sais que vous êtes réveillé. »

Ildur sursauta. Il n’avait pourtant pas bougé, et l’homme ne s’était pas retourné. Il demanda :

« Vous êtes qui ? »

L’alchimiste lui fit face, laissant paraître une chevelure rousse et un visage narquois.

« Aucune importance. »

Ildur grogna. Il avait beau être enchaîné, il ne l’était qu’au niveau des épaules et ses mains gardaient une certaine liberté. Imperceptiblement, il en glissa une dans son dos, au niveau de sa ceinture. Fixant l’homme qui s’approchait, il s’immobilisa presque, à l’exception de sa main qui, désormais, serrait une petite dague dont la présence le rassura.
Il était assis au sol, mais malgré cela, il jugea que l’alchimiste devait être assez grand. Celui-ci, arrivé a son niveau, lui fit signe de se relever. Péniblement, le Maître de la Ligue s’exécuta et se retrouva face à face avec son geôlier, qui lui cracha presque au visage :

« Ou est Jored ? »

Ildur souffla.

« Je n’en sais rien. »

L’homme grimaça, et insista, d’un ton acerbe :

« Vous savez où il est. N’essayez pas de me tromper. »

L’autre se contenta de ricaner :

« C’est vous qui devriez vous en faire. A cette heure, mes agents doivent me rechercher partout dans le pays. Ils me trouveront bientôt. »

L’alchimiste eut à son tour un ricanement, qui monta progressivement en un rire tonitruant et insane, dont les tonalités semblèrent soudainement étrangères au Maître de la Ligue. Toujours en train de rire, il s’adressa une dernière fois à Ildur :

« C’est tellement drôle… Ils me la ressortent à chaque fois… »

Il n’eut pas le temps de terminer que son prisonnier l’attrapait au cou et le plaquait contre lui, plaçant vivement une dague en dessous du menton. L’enchaîné grinça :

« Vous avez les clefs sur vous ? »

« Oui, dans ma poche. Mais je ne vais pas vous les donner. »

Le ton était étrangement naturel, mais Ildur n’y prêta attention qu’un instant. Il lui murmura : « Pas grave. », puis enfonça violemment sa lame dans le corps de l’alchimiste.

Sa proie ne broncha pas. Le Maître de la Ligue ressortit son arme et fit glisser sa main le long des vêtements de son détenteur. Il constata alors que la lame n’était pas teinte d’une goutte de sang, mais son étonnement crut encore lorsque sa main fut saisie et repoussée par l’alchimiste, qui se releva comme si de rien n’était, le cou intact.

Ildur resta abasourdi, alors que l’homme en face haussait les épaules. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’il ne quitte la pièce.

L’espion secoua la tête un instant, écarquillant les yeux, quand un groupe de corbeaux difformes aux proportions monstrueuses se précipita dans la pièce depuis la fenêtre. Du nuage de plumes flétries tomba un corps inanimé dans la direction du détenu. Celui-ci reconnut d’abord l’insigne simple du blason noir qui ornait les vêtements du cadavre, puis les quelques traits qui se distinguaient encore de la charogne picorée par les volatiles.

Il eut un mouvement de recul en comprenant qu’il s’agissait là de Farghan, mais sa réflexion fut à nouveau interrompue quand une seconde vague d’oiseaux entra, délivrant un autre cadavre. Puis une troisième volée et une troisième dépouille.

Puis une autre.

Puis une autre.

Puis une autre.

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Adun entra dans la salle des conseils de guerre, ou discutaient déjà ses officiers : Fereghan et une poignée de commandants. Plus loin se trouvait, à son grand étonnement, l’envoyé de la Ligue, Heradh. Il haussa les sourcils puis se tourna vers Taenil :

« Tu l’as fais sortir des geôles ? »

Son ami lui adressa un sourire malicieux.

« J’ai un petit projet le concernant. Tu verras. »

Le Seigneur-Mage s’assit à la table, joignant les doigts pour observer tour à tour chacun des militaires. Ils avaient tous l’air inquiet. Lui-même était plutôt calme, encore empreint de la joie qu’il avait ressenti lors de l’inauguration, il y’avait quelques dizaines de minutes à peine, de la grande statue à son effigie qui occupait désormais le centre de la Grand-Place devant le Palais. Quelques autres devaient faire leur apparition dans le reste de la cité d’ici la fin de la semaine, et une fois le culte de la personnalité solidement mis en place, il n’aurait plus grand-chose à craindre. Oh, certes, il y’avait toujours le roi qui avait annoncé sa venue ici après la fin de la guerre contre la Ligue, mais Adun comptait sur la confiance aveugle du monarque. Peut être à tort, songea t’il, au vu de la manière dont celui-ci s’était comporté ces derniers temps. Mais après tout, il l’avait confirmé dans son rôle de gouverneur des terres ardentes.
Un des acolytes de Fereghan le coupa dans ses réflexions :

« La situation est très mauvaise. Si nos ennemis bougent à peine à l’ouest, nos éclaireurs ont annoncés qu’ils se massaient au sud. On nous a annoncé pas moins de dix mille soldats qui marchaient en direction de Zerendath et au moins autant vers Val-de-flammes. »

Adun fit un signe de dénégation.

« D’importants renforts seront la d’ici quelques jours, nous pouvons nous permettre de retirer la garnison. »

« Je… je crois que ca ne sera pas suffisant monseigneur. »

Le Seigneur-Mage eut un claquement de langue.

« Nos forces sont limitées commandant. La guerre qui occupe Taerenas dans les terres extérieures nous prive de nos moyens. Considérez-vous heureux que les combats se déroulent loin de Cavefeu, sans quoi notre approvisionnement serait coupé. Et vous savez bien que l’agriculture de nos colonies ici est encore insuffisante. »

Adun se replongea dans ses pensées. Peut être qu’au final la Ligue risquait bien d’avoir raison de lui en lui retirant toute aide extérieure. Si la guerre extérieure s’éternisait, il y’avait à craindre que Taer n’y survivrait pas, pas plus que Froevudd, Aerrad, Bharann ou n’importe quel autre royaume humain. Ils défiaient tout un monde peuplé de créatures belliqueuses et parfaitement unies, alors qu’ils n’étaient, eux, les hommes, qu’une poignée de fiefs qui guerroyaient entre eux périodiquement.

Il cligna des yeux. Pour une fois, il dépendait fortement du succès de son roi. Si la Ligue était dispersée d’ici quelques semaines, alors les colonies humaines pourraient tenir. Sans cela, il n’avait d’autre choix que de temporiser en attendant d’abattre les chefs des forces des autochtones. Et pour cela aussi, la réussite ne dépendait pas de lui, il lui fallait qu’Enshina réussisse la mission qu’il lui avait confié.

Un serviteur qui faisait des va et viens selon les injonctions des officier interrompit une nouvelle fois ses observations en déposant une liasse de rapports sous ses yeux.

Il feuilleta les documents, soutenu par les regards fiévreux de l’état major. Après un instant de réflexion, il reposa le papier et se leva, déclamant :

« Messieurs, je crains qu’il ne nous faille nous battre a un contre quatre. Soit. Demain, la garnison de Cavenfer partira pour Zerendath, et je l’accompagnerais. »
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MessagePosté le: 01/07/09 13:13    Sujet du message: Citer

Le sorcier se laissa tomber sur le siège de son bureau. Seul Taenil et lui se trouvaient dans la vaste pièce. Il grommela :

« Je vais te laisser les rênes du pouvoir pour quelques temps à nouveau, mon vieux compagnon. »

Son ami ne se départit pas de son sourire habituel :

« Ca n’est pas comme si c’était désagréable. »

Adun hocha la tête puis commença à énoncer :

« Comme à chaque fois, envoie un autre dignitaire lorsque le roi me demande, laisse les Effaceurs agir par eux-mêmes et fait rouler les effectifs des soldats du palais et de la caserne principale à ta guise, même si ils ne me semblent pas à craindre ces temps ci. Ils ont reçu leur paye il y’a deux jours, je doute qu’ils grognent beaucoup. Tant qu’à faire, amène moi Empforth ici. »

Taenil roula des yeux.

« Il est partit prier à la chapelle il n’y a pas longtemps, je doute de pouvoir le ramener rapidement. »

« Ah oui, j’avais oublié qu’il croyait encore en Sa Grandeur celui la… J’ai aussi besoin des Mendren… Défie-toi de Jurgot. J’ai bien fais de lui adjoindre un comptable dévoué, il amasse de l’argent pour je ne sais quoi, et plus il s’enrichit, plus il est gros et irascible. Ray me semble encore le plus fiable des trois, mais il ne faut pas compter sur lui pour supporter des responsabilités élevées. Quand au jeunot, Valmoore, je dois pouvoir en tirer quelque chose. Fais-le mander. »

L’ami du Seigneur-Mage allait quitter la pièce, mais celui-ci s’adressa à lui une nouvelle fois :

« Je serais probablement parti avant qu’Enshina n’ait fini sa tâche. Tu lui diras de séjourner à l’Académie jusqu’à mon retour à Cavenfer, je pourrais avoir encore besoin d’elle là-bas. »

Taenil hocha la tête, puis regarda le sorcier à la barbe brune d’un air interrogateur :

« De quoi as-tu chargée la petite d’ailleurs ? »

Adun ricana.

« De passer outre l’autorisation du recteur. »

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La pluie battait les murs de briques avec violence, fouettant par la même occasion le visage de la jeune femme. Bien sûr, elle détestait cette sensation, mais en même temps, c’était un atout supplémentaire à celui des ténèbres de la nuit. Personne ne prêtait attention à ce qui se passait sur les corniches de l’espèce de forteresse perdue en pleine forêt.
Elle arriva du coté des douves, continuant à tourner autour du bâtiment, se plaçant à coté d’un balcon sur lequel dialoguaient deux hommes. Un contrefort la cachait, mais elle n’entendait que péniblement leur voix. Peu
importait, elle n’était pas venue pour ça.

Son regard tombait sur le flot sombre en dessous d’elle. Ca et les quelques édifices donnaient un aspect de forteresse miteuse à ce qui était censé être la glorieuse Académie des Mages.

Les deux hommes sur le balcon semblèrent partir. La jeune femme observa la place dégagée puis s’engagea discrètement sur la terrasse avant de saisir la corniche qui la surplombait et de s’y hisser rapidement. Elle fit une pause, le souffle commençant à lui manquer.

Selon les instructions d’Adun, la fin du trajet n’était pas compliquée, il lui suffirait de répéter cette manœuvre encore trois fois avant d’atteindre le sommet de la tour, pour peu qu’aucun architecte facétieux n’ait jugé bon de changer la façade. Elle avait hâte de réaliser sa mission. Cela faisait deux ans qu’elle était la sans l’avoir revu lui ou Taenil, à jouer un rôle peu valorisant d’agent dormant dans les cuisines. Et après une quinzaine d’années à être formée par le Seigneur-Mage, laver des assiettes n’était guère plaisant.

Le vent la tira de sa rêverie. Ses longs cheveux noirs qui terminaient son visage fin flottaient au vent. Dans ses yeux bleus se voyait sa détermination à partir d’ici. Encore heureux que son maître ait participé à la création de l’Académie, elle ne s’imaginait pas avoir vécu tant de temps ici sans toutes ses connaissances sur les failles de l’architecture et les passages secrets.

Mais là, pas de passages. Juste la grande tour de la bibliothèque à escalader pour arriver au niveau des livres du Recteur – ce vieil acariâtre à l’article de la mort. Et évidemment, c’était dans ses œuvres personnelles qu’Adun voulait puiser, lui demandant d’en retirer le livre d’Orhwan Uria, un des derniers pratiquant de magie sauvage, éteint il y’avait bien longtemps. Pourquoi, ça ne lui importait pas à elle a cet instant la, la saisie rapide de la corniche suivante étant beaucoup plus vitale. Il n’y avait vraisemblablement plus de gardes humains à cet étage. Seules y patrouillaient quelques émanations magiques animées aux formes diverses et a la vélocité variable, mais toutes dotées du même but, repousser les intrus.

Enshina songea qu’elle n’avait vu que peu de ces êtres de sorcellerie purs. Un duo de formes vaguement humaines, d’un bleu éclatant, qui escortaient le Recteur lors de la réception d’invités de marque. Des sortes de boules écarlates émettant des arcs de foudre autour d’eux, qu’Adun lui avait montré pendant ses nombreux entrainements. Quelques autres formes de choses invocables, apprises en tendant l’oreille près des salles de cours de l’académie. Et c’était tout. Les invocations magiques n’étaient pas très prisées par les sorciers, ça leur drainait en permanence une partie de leur énergie pour un résultat pas forcément convainquant et la fin du lien, par maladresse, pouvait avoir des conséquences néfastes – un relâchement violent de toutes les énergies de la chose, un dérèglement dans ses instructions qui la poussait à attaquer le sorcier… Les deux avantages principaux étant leur loyauté et la multiplicité des formes qu’elles pouvaient avoir. Certains affirmaient avoir réussi à créer des versions plus autonomes et pourtant toujours facilement contrôlable qui se nourriraient simplement des liens magiques tissés entre différentes locations, mais la mise en place de ces êtres requéraient des réactifs hors de prix. Taenil avait d’ailleurs participé à leur élaboration.

Elle s’arrêta. La pluie redoublait et elle craignait de glisser de la corniche, alors qu’un nouveau balcon s’offrait à elle. Une sorte de tentacule jaune pendait à quelques mètres d’elle, mais n’avait pas réagit à sa venue. Elle porta par précaution sa main gauche à son ceinturon, y effleurant une série d’orbes d’arcane puis prenant prise sur le manche d’un poignard. Heureusement pour elle, le tentacule parmi faire demi tour et se réfugier à l’intérieur du bâtiment. Tant mieux, elle ne préférait pas rencontrer les créations sorties de l’esprit torturé du Recteur.

Une nouvelle fois, elle saisit le balcon avec sa main droite et s’y agrippa, puis se souleva jusqu’à grimper dessus. Toujours vivement, elle prit la corniche supérieure et commença à repartir dans l’autre sens. Plusieurs fenêtres constellaient la tour, mais elle gageait que même en l’apercevant, les créatures ne réagiraient pas. Après tout, elles fonctionnaient un peu comme la nécromancie, à ceci près qu’elles requéraient moins d’énergie de la part du sorcier : Le magicien insufflait une forte dose d’arcane dans un objet quelconque ou dans un corps et créait une pseudo-conscience à qui il pouvait dicter des ordres en toute tranquillité. Mais plus les ordres étaient compliqués, plus les risques de mauvaise réaction ou d’interprétation étaient élevés, sans compter l’augmentation de l’énergie requise. Les êtres étaient sans doute limités à la tour, alors qu’elle-même se trouvait en dehors.

Le dernier balcon apparut à elle. Avec sa rapidité habituelle, Enshina grimpa dessus et s’accrocha à la corniche suivante, juste avant qu’une sorte de brume écarlate ne traverse la terrasse à toute vitesse pour repartir dans l’autre sens.

Plus qu’une poignée de mètres. Elle dosa chacun de ses mouvements avec prudence. Il aurait été idiot de tomber ici. Peut être que la chute dans les douves ne serait pas mortelle, mais retenter l’escalade, en aucun cas.

Enfin, elle arriva à la fenêtre tant attendue. Cependant, la lumière qui y brillait ne la trompa pas : Il y’avait manifestement quelqu’un.

------------------------------------------------------------------------------------

L’homme était dos à elle, en train de feuilleter à grande vitesse chacun des livres de la bibliothèque. Il portait une robe rouge et des cheveux de la même couleur, occupé à psalmodier quelques mots incompréhensibles pour la jeune femme.

Elle se glissa silencieusement dans la salle, couverte par le bruit du vent et de la pluie, puis réfléchit au moyen de le neutraliser. L’assassiner ? Au risque de laisser un corps ? Elle avait beau quitter l’endroit sous peu, inutile de créer de l’agitation. L’assommer ? C’était sans doute la meilleure solution.

Elle balaya la pièce du regard. Sur sa droite, l’étagère ornée de la lettre U, ou ne se trouvaient que quelques livres. En face d’elle, l’homme, et sur sa gauche, une table couverte d’un gros volume de plusieurs centaines de page. Sans doute assez lourd. Elle observa les autres ouvrages présents sur la table, et constata avec soulagement que le Traité des liens de la magie originelle d’Orhwan Uria s’y trouvait. Elle s’en empara et plaça le livre de quelques centimètres d’épaisseur dans une poche de sa tunique. Ensuite, alors que l’homme continuait ses imprécations sans l’apercevoir, elle commença à faire volte-face, mais celui-ci s’interrompit subitement.
Elle n’osa bouger, mais l’homme se tourna brusquement dans sa direction. Enshina s’attendit à quelque sortilège, mais l’autre se contenta d’émettre quelques gargouillis avant de commencer à se transformer. Son visage aux cheveux rouges prit une dimension plus imposante, commençant à se parsemer de fissures violettes, tandis qu’un des bras se tendait démesurément dans sa direction. Des pointes apparurent aux épaules et la robe se désagrégea en une succession de moignons au niveau du torse.

Paniquée, l’intruse chercha à sa ceinture quelque chose pour se protéger et expédia au hasard un des objets qui s’y trouvaient. La face de l’homme s’était transformée en une sorte d’hideux crâne vaguement humain, et il flottait désormais dans les airs en ayant doublé de taille. Sans réfléchir, à l’ instant où la serre de la créature allait la saisir, Enshina courut en direction de la fenêtre, réalisant seulement à ce moment que l’objet envoyé était un détonateur arcanique. D’ici quelques secondes, la magie à l’intérieur serait libérée et investirait la pièce.

Malheureusement pour elle, elle n’aurait pas le temps d’en observer les effets. La griffe titanesque se rapprochait, et il ne restait plus qu’une poignée de centimètres entre la chose et elle. Perdant ce qui lui restait de sang froid, Enshina sauta de la tour et plongea dans les douves. La seconde d’après, le détonateur explosait, propageant une salve d’énergie vaporisant l’intégralité de la salle. La chute commença en direction des douves, la jeune femme songeant qu’elle y périrait certainement. Mais, contre ses attentes, la première explosion fut suivie d’une autre, plus forte, puis d’une réaction en chaîne qui disloqua tout l’édifice dans une déflagration soudaine. L’énergie magique contenue dans les créatures arcaniques, les livres et les systèmes de protection s’éparpilla autour de la tour qui s’effondrait sur elle-même à grande vitesse, provoquant d’inattendues réactions aux alentours. L’eau et les arbres furent arrachés et tournoyèrent dans les airs durant quelques secondes, le sommet de la tour s’éleva vers le ciel, et Enshina fut prise dans le raz de marée de sorcellerie.
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 Bizzardbizzare



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MessagePosté le: 20/04/10 09:45    Sujet du message: Citer

Les ruelles de Cavenfer dans lesquelles Taenil s’engouffraient étaient étonnement vides. Le conseiller d’Adun s’attendait à les trouver grouillantes de monde, mais en dehors des principaux boulevards, la population se raréfiait. Il aurait préféré, comme il le prévoyait, se retrouver dans la foule, marchant au milieu de hordes d’inconnus, plongé dans la discrétion.

Mais la, rien. Avancer presque seul dans ces passages de plus en plus étroits et en mauvais état lui laissait un arrière gout d’inquiétude. Si les quartiers principaux et récents affichaient une splendeur encouragée par le Seigneur-Mage, elles contrastaient formidablement avec les toutes premières bâtisses de la cité. Connaissant son ami, Taenil se demandait si il devait lui rapporter la présence des quelques mendiants qui s’effondraient sous la chaleur des lieux. Sans doute celui-ci aurait il fait immédiatement purger et raser ces quartiers pour reconstruire de plus glorieux édifices à leur place.

Les maisons à la charpente douteuse défilaient, sans que le compagnon d’Adun ne parvienne à s’y repérer. Toutes teintées d’une même et morne couleur marron, suintant un liquide émanant des troncs des champignons géants abattus pour la construction des habitations.
Taenil considéra le bâtiment qui se dressait devant lui. Deux étages, un toit apparemment vermoulu, une vitre en mauvais état et une porte qui semblait fermer mal. Etait-ce la que le neveu du richissime Jurgot Mendren vivait ?

Il se décida à toquer à la porte, mais une grosse et vieille femme derrière lui l’interrompit.

« Cherchez pas, ils sont pas là. »

Taenil se retourna.

« Je vous demande pardon ? »

La vieille fit un mouvement d’agacement, tout en cherchant les clés de sa propre résidence.

« Le neveu du patron, il est partit. Il reviendra pas avant une heure. Pareil pour l’autre. »

Le sorcier ne comprit pas immédiatement.

« Le patron vous dîtes ? »

La mégère acariâtre grinça.

« Le gros. Mendren. Ce damné porc qui se goinfre avec le labeur des petites gens. »

Taenil prit un faux air outré.

« Oh, je ne peux que vous approuver. C’est un être méprisable. J’espère qu’il paiera pour tout ce qu’il fait. »

En face de lui, la croulante laissait échapper un rire grinçant.

« Oh, mais ça, c’est déjà fait. Mais ca va lui retomber dessus, c’est évident. Laisser son neveu tenir de tel propos… et avec des fréquentations pareilles… »

Les yeux du mage laissèrent paraître une lueur de questionnement que l’ancienne saisit, en profitant pour poursuivre de plus belle sa déclaration, accompagnée de gestes théâtraux.

« On ne vous l’a sûrement pas dit, mais la rumeur doit courir hein. Vous savez, le jeune, il doit profiter que son oncle soit dans les petits papiers du palais. Parce que pour oser dire qu’il fallait assassiner le seigneur-mage… Et tout ça accompagné d’un gros balourd ivrogne qui le crie dans la rue a chaque fois qu’il vient ici… Et avec un air sérieux en plus ! Mais ceux là, ils parlent, ils parlent, ils agiront sûrement pas, voyez. Mais s’ils se permettent de parler, vous savez, c’est qu’ils le peuvent hein ! »

Taenil leva les yeux aux ciels.

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Enshina se réveillait au même moment, se trouvant en pleine journée à l’extérieur de l’académie. Ouvrant péniblement les yeux, elle constata d’abord que quelque chose n’allait pas dans le paysage environnant, tentant de se rappeler les derniers évènements. Elle songea à sa chute depuis le sommet de la tour, puis l’explosion de celle-ci, et finalement…
C’est seulement alors qu’elle s’aperçut qu’elle flottait, au niveau des branchages des arbres de la forêt qui entourait l’académie, accompagnée par plusieurs blocs de pierre. En vérité, c’était toute la zone qui était touchée par un étrange spectacle : A la moitié de la taille originelle de la tour apparaissait une colonne d’énergie violette qui semblait émettre des pulsations magiques aux alentours, alentours consistants en des groupes de pierre, de livre, de rangées de bibliothèque et autre choses ayant survécues à cette inexplicable détonation. Ca et là, des mages s’envolaient péniblement pour saisir tel ou tel ouvrage, tandis que d’autres ramenaient les pierres à leurs emplacements.

Pressentant que cette lévitation bizarre se terminerait tôt ou tard, Enshina décida de descendre en s’agrippant aux arbres qui l’entouraient. Elle devait faire part de tout ce qui s’était passé à Adun.

A ce qui servait désormais de sommet pour la tour de la bibliothèque, les mages s’affairaient à rattraper autant de biens qu’il en était possible de sauver. Déjà la colonne violette semblait diminuer en s’affaissant sur elle-même, et il se risquait fort que ses effets provisoires de lévitation ne s’arrêtent bientôt, provoquant maint effondrement sur le reste de l’académie.

Et comme si l’urgence ne suffisait pas, une volée de corbeaux vint se masser sur les remparts, à guetter cet inhabituel pilier.

Les bruits de pas résonnèrent à nouveau dans l’escalier en colimaçon qui faisait face à Valmoore, pieds et poings enchaînés sur une table penchée dotée de roulettes. Les dix compagnons avec qui il préparait la chute du Seigneur-Mage avaient connus le même sort, sauf deux, qu’on avait laissé périr dans l’incendie, celui que les larbins du régent des terres ardentes avaient provoqué après être entrés dans la maison du jeune homme ou tous se réunissaient.

Et ce même Seigneur-Mage vint faire son apparition, descendant la dernière marche. Dans le reste de la pièce, cette étroite cave grise de modeste taille d’où semblait partir une demi-douzaine de corridors, patientaient tout autant de soldats, l’air impassible.

Zerendis s’avança vers les prisonniers, le visage marqué d’une sorte de dédain. Il les contempla tous tour à tour, jaugeant certainement leur réaction, puis, sèchement, s’adressa à Valmoore :

« Pourquoi ? »

Celui-ci ne répondit pas.

Le sorcier s’avança vers lui a grand pas, et, empourpré de colère, demanda encore :

« Pourquoi ? Pourquoi, par l’enfer, avoir gâché tout ce que vous aviez ? Vous auriez pu être riche, puissant. Comment osez-vous balayer les apports de votre héritage ? »

Le jeune homme cracha par terre.

« Je n’ai que faire de ressembler à des êtres comme vous ! Des monstres qui tueraient père et mère si ça les arrangeait ! »

Adun fit un « non » de la tête, puis regarda son prisonnier dans les yeux.

« Les sentiments… Peuh ! »

Il lui tourna le dos et repartit vers les escaliers, maugréant.

« C’est ce qui a failli causer ma perte, et qui vient de causer la vôtre. Attachez trop de valeur à des êtres, et pour lors qu’ils se retrouvent en difficulté vous êtes anéanti. Voila pourquoi je me trouve ici, encore en vie, alors que vous-même… »

Le sorcier considéra Valmoore un instant encore puis se dirigea à nouveau vers lui et reprit la parole :

« Il y’a bien longtemps, alors que je montais les échelons à la Cour, je menais la guerre contre les Principautés. Oh, vous ne connaissez sûrement pas cette époque, vous n’étiez même pas né, mais il s’agissait d’une des principales nations qui finançaient la Ligue des espions… Enfin, je ne sais même pas si vous en avez la connaissance, Jurgot ne vous en probablement pas parlé. Pour le peu qu’il en sait… »

Valmoore ne bougeait pas, pas plus qu’aucun des gardes ou des autres prisonniers. Ceux la dardaient des regards inquiets sur leur compagnon. Adun serra les dents, et se remit à évoquer ses souvenirs.

« La Ligue était déjà bien infiltrée dans les rouages de la politique de Taer, mais moi, je restais un des rares à disposer à la fois d’un peu d’influence et d’indépendance. En conséquence, je soutenais que le royaume devait continuer à se défendre. Et le vieux Taeren approuva. Je menais mes forces au combat, combats dont les détails n’ont pas d’importance. Mais finalement, je capturais deux généraux des Principautés. Deux hommes que je savais également servir la Ligue. Jusqu’ici, j’avais toujours fait agir mes propres intérêts. J’avais toujours bravé la Ligue et choisi moi mêmes mes propres informateurs, mes hommes de confiance. Il n’y en avait que trois à l’époque. Des amis. »

Le regard du Seigneur-Mage sembla se perdre un instant dans le vide avant qu’il ne serre à nouveau les dents et ne reprenne, d’un ton plus agressif :

« Et l’un d’entre eux avait été repéré et capturé à son tour. La Ligue me sommait de me rendre et de libérer ses officiers. Est-ce que vous concevez ça ? Ils me demandaient d’abandonner tout ce pourquoi j’avais lutté. De rentrer dans le rang. Moi. J’ai failli, dans un élan d’inconscience, aller me livrer. Mais je ne l’ai pas fait… »

Ses yeux se plissèrent et croisèrent ceux de Valmoore durant une poignée de secondes. Le jeune homme ne sut pas quoi percevoir dans ce regard d’une redoutable intensité, partagé entre la haine et le regret. Il ouvrit la bouche, mais le ton las du sorcier l’interrompit :

« Ce pauvre Jeregand. Oh, je l’ai pleuré. Pendant toute la nuit, j’ai souffert, je m’en suis voulu terriblement, hésitant à chaque instant. Puis, au matin, j’ai reçu un colis contenant sa tête, et j’ai alors su que j’avais fait le bon choix. A peine quelques heures après, je faisais exécuter le premier des officiers, et le lendemain ; les forces des Principautés se repliaient. Et désormais… je siège ici. »

Adun se pencha sur le captif.

« Je n’ai plus que deux véritables amis, deux êtres qui me tiennent à cœur et sont les reliquats de mes derniers sentiments. Ils sont sous bonne garde, car je sais que s’il leur arrivait quelque chose, je pourrais à nouveau risquer de perdre l’œuvre de ma vie. Et c’est à ça que je veux en venir, monsieur Valmoore Mendren. Tirez un trait sur vos parents. Oubliez-les. Œuvrez à une cause plus grande. »

Valmoore lui cracha à la figure. Cette fois, le Seigneur-Mage s’empourpra. Il se releva, et, d’une voix qui suintait le mépris, ordonna à ses gardes :

« Emmenez-les. »

Le reste des prisonniers commença à s’égosiller en supplications, alors qu’Adun quittait la pièce.

Puis un écho résonna dans les escaliers. Une voix joyeuse, un peu empâtée, qui appelait le Seigneur-Mage, suivie de bruits de pas maladroits. Et c’est alors qu’apparu Jurgot Mendren, juste devant Zerendis, un grand sourire barrant son visage.

Juché sur les marches, il dépassait à peine le sorcier. Exultant, il déclama :
« Ca y’est Adun ! La vieille Everenn a enfin cédé sa propriété ! Tout le quartier sud est sous contr… »

Il venait de discerner derrière les prisonniers qu’on emmenait, et commença à balbutier :

« Mais… c’est… c’est pas Valmoore la bas ? »

Adun eut soudainement l’air désolé. Il posa une main sur l’épaule de l’homme d’affaires et expliqua d’un ton las, qui semblait même contenir de la peine :

« Mon pauvre ami… Vous le voyez partout… Ce doit être le choc. »

Jurgot bafouilla un « pardon ? »

« Mais… Je pensais que vous le saviez. Votre neveu est mort. »

Les deux yeux de l’ancien chasseur s’écarquillèrent.

« Mort… Valmoore… Comment… ? »

Le sorcier soupira, alors qu’il entraînait le magnat vers l’étage supérieur
.
« Oh, vous savez sans doute qu’il fréquentait de ces rebelles, ces indisciplinés qui se plaignent et réclament du changement. Ceux la même qui se gaussent de vous. Votre neveu à voulu s’opposer, une fois que ceux-ci ont commencés à parler de méthodes radicales et puis… voila. »

Jurgot chancela, et resta là sans bouger, le regard perdu dans le vide, répétant à demi-voix :

« Valmoore est mort… »

Le Seigneur-Mage fit un signe à un garde proche et laissa là son pion.

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Khenan guettait l’extérieur du palais au travers des vitres. Là ou la ville s’étendait, la chaleur semblait reculer, avec tout le reste des conditions inhospitalières de ce monde souterrain. Par delà les épaisses murailles se distinguaient encore les éruptions volcaniques, mais elles étaient bien loin.
Il se remit à sa place, à coté d’un couloir qu’il était sensé garder. Il aurait bien troqué cette place contre une autre, mais au fond, l’impression de sécurité qu’il en retirait le satisfaisait. La moindre idée de se retrouver sur le champ de bataille l’inquiétait par trop.

Autre chose l’inquiétait d’ailleurs. Valmoore. Il ne parvenait toujours pas à savoir si ce qu’il avait entendu alors qu’il s’effondrait de sommeil était un rêve ou la réalité. A son réveil, il s’était trouvé haletant, suant sous la force d’une chaleur infernale, comprenant que les enchantements s’étaient dissipés. Il n’avait pu que bondir hors de chez lui pour trouver un mage, et ce, de justesse jurait-il. Il n’avait plus croisé son ami que furtivement par la suite, sans avoir le temps de lui demander quoi que ce soit. Il avait même regardé si l’arme était encore à sa place – et elle y était ! Dans la même position qu’auparavant, il n’aurait su le dire. Mais comme la cité restait calme et qu’il avait lui-même aperçu le Seigneur-Mage, il en déduisait que cela n’était qu’un songe enfiévré.
Des gens passaient à coté de lui sans s’en soucier, pas plus que lui ne le faisait. Qu’était-il censé garder au juste ? Le flot humain qui inondait le palais était contrôlé à l’entrée, et il ne voyait rien qui puisse se produire ici.

Puis il aperçut Jurgot Mendren, qui se trainait lentement, marmonnant quelque chose. Il l’arrêta et l’interrogea. Jamais il ne lui avait semblé que le magnat puisse avoir de la peine, mais il dut se rendre à l’évidence. Après que celui-ci lui ait conté la destinée de Valmoore, Khenan fut pris d’un brusque élan au cœur. Il songea alors à Nazremous et Thaddius. Lui-même ne se sentait plus tant que ça en sécurité.

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Le souverain de Taer aperçut en premier le château qui se dressait à quelques dizaines de minutes de lui et de son escorte, caché dans un renfoncement de la montagne.

La forteresse des Morvhulf, si elle ne resplendissait pas par sa beauté ou son originalité architecturale, impressionnait par l’épaisseur de ses murs et la location de sa construction : On l’eut dit soudée au roc, et tout cela la faisait paraître pour imprenable auprès de ceux qui séjournaient à proximité. En réalité, le donjon pouvait tomber, comme il l’avait déjà fait dans l’histoire. A l’époque de Taerian, plusieurs siècles auparavant, qui avait alors placé les Morvhulf en tant que régisseurs des territoires du nord-ouest frontaliers à Froevudd et aux Principautés. Ces mêmes Principautés qui s’en emparèrent lors du début du règne de Taerevath, alors que celui-ci faisait campagne au sud. Mais tout cela fut au prix de plusieurs mois de sièges et de nombreuses morts d’hommes. Pour peu que Jhorgen Morvhulf où son fils désira quitter Taer, il était hors de question de tenter de reprendre la forteresse, alors même que les troupes de la Ligue sur le flanc est n’étaient plus qu’à une semaine de marche de l’entrée de Cavefeu. Si jamais celles-ci venaient à contrôler la sortie de l’ex-mine, la situation deviendrait presque inextricable.
La voix forte du général Garnan tonna derrière lui :

« Si les Morvhulf refusent de nous laisser le passage ou que les Principautés nous tendent un piège, nous n’aurons plus qu’à compter sur Vhalir ou Bharann monseigneur. »

Taerenas opina avec peine.

« Vous avez du faire des concessions à Vhalir qui sont non négligeables. Notez que je réfléchis surtout sur le long terme messire. Les autoriser à s’installer dans les terres ardentes, c’est, à terme, risquer un conflit plus grave encore. »

Taerenas maugréa.

« L’immédiat est plus important, général. Si Taer tombe, nous n’aurons de toute façon pas à nous inquiéter de l’avenir de nos colonies. »

« Certes. Mais selon moi, il aurait été plus judicieux de se contenter de l’apport des forces de Bharann. Voir même de ne pas s’adresser à eux. L’assassinat manqué envers Llorus II lui a suffit. Il serait venu lui-même proposer l’aide de sa nation contre la Ligue, et notre position aurait été bien plus favorable que la situation vers laquelle nous nous dirigeons. »

Il y’eut une seconde de silence avant que le massif général ne se reprenne et bafouille :

« Excusez-moi monseigneur. »

Le monarque se contenta de rire.

« Ne vous en faites pas général. Votre franc-parler m’est plus utile que les approbations chaleureuses sous lesquelles les autres officiers m’enterrent, avec leur protocole interminable. »

Le regard de Garnan se perdit un instant. Le groupe d’hommes continuait sa lente chevauchée à travers l’orée de la forêt. Le feuillage vert des immenses arbres commençait à tomber, comme si la venue de l’armée en ces terres apportait l’automne avec elle. Les rayons du soleil illuminaient la clairière, et aux bruits de sabots des chevaux ne répondaient que le doux bruissement du vent et le léger clapotis de l’eau qui coulait paisiblement à quelques pas d’eux.

Taerenas frissonna.

« Je déteste cet instant. Il me rappelle trop les contes que l’on me lisait dans mon enfance, ou les assassins surviennent, et où la rougeur du sang s’écoule sur la verdure de l’été. »

« Je ne pense pas que Morvhulf, ni les Principautés, nous fassent décocher une flèche dans le dos, monseigneur. Le vieux n’aime pas ce genre de coup bas, le jeunot préfèrerait charger l’épée au poing et aucun des dirigeants de cet agrégat de nobliaux n’acclame ce type de fourberie. D’autant plus que notre capture leur serait infiniment plus profitable. »

Le roi ne sembla pas rassuré.

« Vous semblez bien connaître cette lignée, général. Encore que vous m’ayez déjà parlé du fils, mais son père ? »

« J’aurais du mal à ne pas le connaître. Encore que l’âge peut bien vous changer un homme. Mais il était là quand je faisais mes armes à Torvhemar. C’est lui qui m’a honoré de mon premier galon d’officier, lorsque j’avais encore vingt-trois ans. C’était quelques jours après que son Hulfar de fils ne naisse. Jhorgen devait avoir trente-six ou trente-sept ans à l’époque, et c’était un gars fort affable. Il rigolait bien, lésinait peu sur l’alcool, mais déjà il ne fallait pas s’aviser de le contrarier. Il s’était montré méchamment retors à plusieurs reprises. Notamment un capitaine de sa garde qui s’était avisé de dire qu’au vu du physique du père, le fils ne serait jamais assez fort pour se défendre tout seul. Ben, le vieux Morvhulf a grincé des dents, et dans ses petits yeux bleus, on voyait bien qu’il manigançait quelque chose. Le lendemain il a montré ce même capitaine comme un exemple de la garde, et qu’en conséquence, il était autorisé – et sommé – de monter le cheval le plus fougueux de Torvhemar. Vous vous doutez sans doute qu’il s’agissait d’une bête indomptable qui mit à terre l’importun proprement et le piétina. Piètre exemple qu’il fut. »

Le groupe sortit de la forêt. Le chemin poursuivait puis descendait la colline, serpentant à coté du cours d’eau, pour finir par arriver au village qui se dressait au pied de la forteresse des Morvhulf. La masse d’hommes en armes qui y patientait ne laissait présager rien de bon. Ils étaient au moins deux ou trois cent.

Taerenas déglutit puis s’adressa à nouveau au général, stoïque en dépit de ce qui les attendait en bas.

« Je vois. Et qu’est ce que vous pronostiquez ? »

« C’est absurde. Jhorgen n’a jamais eu de sympathie pour les Principautés, pas plus que l’inverse, puisque c’est Taer qui l’a placé là, lui et sa lignée. De même, nous avons au moins dix fois plus d’hommes que lui à moins d’un jour de marche. Pour peu que Froevudd tombe et que Vhalir ou Bharann ralentissent suffisamment Aerrad, nous destituerions les Morvhulf en une attaque éclair. Et le fils, s’il a repris les rênes, ne serait pas assez idiot pour s’allier à la Ligue. Pas maintenant. Ce sont des risques trop gros, trop évidents pour eux. Par contre, si les Principautés leur offre le support, la situation change. C’est la seule cause que je vois. Du coup, Jhorgen va sans doute vouloir nous intimider, négocier quelque chose, quoi que ce soit. Si c’est ce que je crains, il se croira en position de force : Nos troupes ont un objectif plus important en priorité et une armée des Principautés nous mettrait en situation critique. »

Taerenas considéra son général. Il ne semblait pas décontenancé par ce qu’il venait d’énoncer. Lui-même commençait à comprendre :

« Mais ils n’ont pas de telle armée, n’est-ce pas ? »

Garnan soupira.

« Monseigneur… Vous m’interrogez tour à tour sur les Morvhulf, sur la situation militaire. Pourtant je ne suis « que » un général. Vous-mêmes, n’avez-vous jamais rencontré vos vassaux et observé par vous-mêmes les rapports pour que mon avis vous soit indispensable ? »

Le monarque baissa les yeux. En lui-même, il savait qu’il n’aurait pas dû, et qu’un véritable roi n’aurait pas eu non plus à questionner ses subordonnés sur des points d’un tel ordre. Mais son « réveil » ne datait que d’une dizaine de jours. Une dizaine de jours effrénés, ou il avait convoqué maints seigneurs et envoyés nombre d’officiers qu’il connaissait à peine vers des horizons qu’il n’avait jamais aperçu. Comme s’il venait tout juste de monter sur le trône. Et en réalité c’était bien ça. Partout, les ennemis grouillaient, et lui n’y connaissait rien. Il allait devoir apprendre, et vite. Et être suzerain commençait par ne pas se laisser intimider par ses subalternes, qui plus est sous les yeux de la dizaine d’hommes qui lui servait d’escorte. Encore que tous les regards ne fussent tournés sur le groupe de soldats qui quittait le bataillon au loin pour se diriger à leur rencontre.

Subitement, Taerenas se redressa et clama :

« Je prends les avis que je veux. Et je m’y connais plus sur mes vassaux que vous ne l’insinuez. »

Il crut avoir asséné là une tirade digne de respect, mais le regard de Garnan ne daigna pas tomber sur lui. Le général ne cilla même pas, et immédiatement, Taerenas se demanda s’il n’avait pas été injuste. C’était bien le seul homme qui semblait avoir compris sa détresse et qui lui inspirait de la confiance. Tout le reste de l’état-major, c’est à peine s’il le connaissait.

Le détachement parti du village s’arrêta à quelques pas d’eux. Ils étaient une dizaine également, tous des cavaliers en armure sur lesquelles un faucon jaune contrastait avec un fond noir. L’un d’entre eux s’avança légèrement et retira son heaume, laissant paraître un visage d’une vingtaine d’années. Au dessus du nez court et des yeux d’un bleu profond poussaient des cheveux bruns broussailleux. Du ton haché des hommes du nord il déclara :

« Votre Excellence. »

Taerenas s’apprêta à répondre, mais il fut pris de court par Garnan :

« Hulfar Morvhulf ? »

Le regard du susnommé s’orienta vers le général qu’il fixa pendant quelques instants.

« Commandant Garnan ? »

« Général. Vous m’avez l’air changé Hulfar. »

Le roi devina de quoi voulait parler l’officier : Il lui avait décrit le jeune homme comme un être vif, sûr de lui voire arrogant. Pourtant, les mouvements du fils Morvhulf étaient lents et sa voix chargée d’anxiété.
Celui-ci baissa les yeux et fit tourner bride à son cheval.

« Mon père va vous recevoir comme l’avait demandé votre messager hier. Suivez-moi. »

L’ensemble se mit en marche lentement vers la forteresse. Une nouvelle fois, Taerenas chercha une déclaration pour s’imposer devant le militaire, cependant sans succès : Le regard tranquille du général accompagnait de nouveau ses paroles en fixant Hulfar.

« Vous m’avez l’air angoissé. »

L’autre scruta tour à tour chaque membre de son escorte, qui fit mine de détourner sa tête, puis sembla contempler fixement le village qui peu à peu se rapprochait. Sans doute hésitait-il à s’expliquer, avec de tels accompagnateurs qui en aviseraient peut être le patriarche des Morvhulf.
Il s’écoula cinq minutes avant qu’Hulfar ne les gratifie d’un regard incertain, alors que l’équipée descendait la colline, à quelques instants à peine des premières chaumières.

« Mon père n’est plus le même depuis quelques semaines. Il ne tient plus les conseils qu’avec quelques ministres, il entre dans de grandes colères et prend des décisions incompréhensibles… »

Garnan sourcilla, mais le jeune homme se renfrogna sitôt après avoir fini.
Ils n’échangèrent plus aucune parole avant d’arriver à l’entrée de la forteresse. Les soldats s’écartèrent sur leur passage au fur et à mesure qu’ils progressaient dans le village, et Taerenas scruta leur regard. Il ne sut malheureusement rien en tirer, excepté le fait qu’ils étaient beaucoup plus nombreux que sa propre escorte. Il se demandait soudain pourquoi il avait tant venu à venir ainsi, alors que l’homme de son général lui avait bien précisé qu’il y’avait un grand nombre d’hommes d’armes. Pourtant, il n’y vit que des hommes des Morvhulf – ou tout du moins vêtu comme tels. Aucun ne portait les couleurs des Principautés. Mais malgré tout, il frissonna.

Peu à peu se dessina Vhulfark, la forteresse, grande et terrible. La montagne s’étendait derrière comme les pointes d’une fourche, et entre chaque extrémité étaient dressées de grises et épaisses murailles. Çà et là, quelques soldats épars guettaient, du haut des remparts.

L’intérieur même de la citadelle était austère, les murs froids peu meublés, les portes grinçantes et le souffle du vent gelait les os. Seule l’allée principale vers la salle du suzerain local comportait quelque chaleur, grâce à quelques torches qui luisaient fébrilement. Taerenas se demanda s’il n’était pas dans les entrailles de la montagne. Les Morvhulf y avaient creusés des tunnels disait-on.

Les claquements de pas résonnants cessèrent. La troupe s’était arrêtée : En face d’eux, juché sur un trône de marbre blanc, patientait Jhorgen Morvhulf. Le roi n’aurait su dire ce qui l’inquiétait le plus à ce moment là, des murs de la salle qui semblaient près à se refermer sur eux, ou l’homme qui les attendait ; petit, courbé, les cheveux en bataille, le nez fin et la barbe négligée, les dents jaunâtres et un regard perçant, venant d’yeux ô combiens noirs.

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Il s’écoula quelques instants avant que Taerenas ne comprenne qu’il lui fallait prendre la parole. Pas de discours préparés, pas de conseillers. Pas d’audience favorable.

« Jhorgen Morvhulf ? »

L’homme ratatiné geignit une sorte de « Oui. »

Le monarque prit de l’assurance.

« En votre qualité de vassal, vous auriez au moins pu prendre les mesures nécessaires à l’accueil de votre roi. »

L’écho de cette phrase déclamée avec force encouragea le souverain. Mais cette fierté s’évapora la seconde d’après, avec le petit rire grinçant qui émana de Morvhulf.

« Mon roi… Je n’ai plus de roi désormais… Je SUIS roi ! »

Les soldats des deux camps portèrent leurs mains à leurs ceintures. Sauf Hulfar et Garnan. Taerenas répliqua :

« Vous vous oubliez ! Je suis toujours le dirigeant de Taer à ce que je sache ! La Ligue n’a aucune légitimité sur la direction d’aucune de mes terres. »

Morvhulf trembla d’un long rire nerveux. Son corps s’agitait avec lenteur, comme atteint d’une profonde maladie, mais la volonté que l’on sentait derrière ses gestes était bien plus vive.

« La Ligue… Comme s’ils avaient une quelconque importance… Ils seront balayés bientôt… Devront retourner se cacher comploter… Ils sont finis. Comme vous. Vous n’êtes plus roi de rien. »

Le souverain de Taer s’empourpra, tandis que Jhorgen se levait péniblement de son trône.

« Allons donc ! Vous vous déclarez vous-même comme traître ! Vous contestez l’autorité de votre suzerain légitime ! J’ai bien assez d’hommes pour faire tomber votre forteresse, et installer votre tête sur une pique pour ceux qui seraient tentés de vous imiter ! »

Le vieux Morvhulf s’amusa encore, et sembla manquer de tomber à la renverse.

« Des hommes ? Loyaux ? Qui pourraient prendre Vhulfark ? Desquels parlez-vous ? De ceux, à quelques heures d’ici, menacés par la contre-attaque de Froevudd ? Où de ceux, loin, à l’est, qui tiendront avec peine les assauts des forces d’Aerrad ? A moins que vous ne pensiez aux quelques garnisons éparses, aux mains de vassaux douteux, qui se défendront avec peine de la moindre pichenette des Principautés ? Et je suppose que vous ne mentionniez pas ceux qui se battent à dix contre un, loin dans les terres ardentes… »

Il était à quelques pas du souverain et de Garnan, et émettait un ricanement sournois, cependant qu’un Taerenas furieux le pointait du doigt en articulant :

« Je détournerais toutes mes forces ici ! Vous paierez pour cet affront ! Vous… vous… ! »

Il fut interrompu dans sa déclaration par l’arrivée inattendue d’un homme essoufflé, arborant les couleurs du royaume, qui balbutia :

« Monseigneur… Je… Mille excuses sires, mais le Seigneur-Général Kreviel m’a demandé de vous instruire de ça de toute urgence… Froevudd vient de rendre les armes. Ils disent qu’ils ont chassés l’usurpateur et qu’ils ont l’intention d’en délivrer Aerrad. »

Plus personne ne bougea pendant une poignée de secondes, sauf Jhorgen Morvhulf. A la surprise générale, il poussa un rugissement en sautant en direction du roi de Taer, interrompu instantanément par le poing du général Garnan qui s’interposa entre le suzerain et le vieil homme.

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L’arrivée du Seigneur-Mage à Zerendath se fit dans un silence respectueux. Cent des mille hommes qui constituaient la garnison de ce qui serait un jour la nouvelle capitale des terres ardentes avaient été disposés en rang serré, restants prostrés dans un salut militaire jusqu’à son entrée dans le quartier général, une imposante construction qui surplombait une pente à pic. L’entrée se faisait par une grande salle lumineuse ou une statue du sorcier scrutait les visiteurs. Le reste de la forteresse-bientôt-cité était encore en construction, les décombres de l’attaque précédente trônant encore au milieu des tentes.

Adun s’installa à la longue table de la salle principale, qui ressemblait trait pour trait à celle du palais de Cavenfer. Les officiers firent tour à tour leur entrée, accompagnés de leurs serviteurs portant des liasses de papier, serviteurs rapidement congédiés.

Le régisseur de la garnison fut le seul qui arriva en retard. Un quarantenaire chauve, qui se déplaçait balourdement, sa jambe droite attelée.

Piteusement, il tenta de s’excuser, mais Zerendis ne lui laissa pas le temps.

« Pourquoi cette blessure ? »

« C’est que… Seigneur-mage… On a attrapé un chien des flammes et j’essaye de le dresser, mais il m’a mordu et… »

« Suffit. Jetez-le au feu ou expédiez le à un cirque quelconque de Taerath, je ne veux pas de ça dans mes murs, Horfen. Le commandant d’une place si prestigieuse à d’autres choses à régler. »

L’officier bafouilla un « Excusez-moi Monseigneur » et fila s’asseoir. Maugréant, Adun feuilleta les divers documents, puis considéra la carte des terres ardentes connues qui s’étalait sur la table.

« Messieurs. Comme vous devez le savoir, la situation est critique. Nous avons sur ce flanc environ deux mille hommes, plus un quart de sorciers, tous de qualité inégale. En face, au moins trois fois plus de créatures hostiles approchent, et je crains que ce ne soit là qu’une autre vague de plus. Un tel territoire doit en receler plus que ce que nous ne n’imaginons. Je prends donc personnellement le commandement en main ici. Sur le flanc ouest, Val-de-flammes risque de subir des assauts d’ampleurs identiques, quand au nord, la situation est très floue. Nous allons donc devoir nous porter à la rencontre de l’ennemi. »

Un officier prit la parole :

« Nous savons qu’un nombre conséquents de renforts vont bientôt arriver monseigneur. Ne serait-il pas préférable de temporiser, tenir l’ennemi à distance, pendant que ces troupes n’arrivent ? »

Le Seigneur-Mage fit un signe de dénégation.

« Allons. Ces troupes ne sont qu’un stratagème, certes habile, du roi, pour affaiblir ses ennemis dans les terres extérieures. Pour nous, c’est un cadeau empoisonné. Qu’allons nous faire de milliers de soldats qui ne connaissent rien à ces terres, qui ne parlent même pas notre langue, qui suivent des habitudes de combats différentes, et que nous n’avons aucun moyen de nourrir ? Et pour peu que j’eus négligé de faire vider la garnison de Cavenfer, nous n’aurions eu nulle part pour les loger. »

Les militaires se concertèrent du regard pendant qu’Adun reprenait la parole. Il désigna la position de la forteresse sur la carte.

« Nous sommes ici. Sur les flancs, des montagnes. Au sud, nous avons de vastes plaines rocailleuses, puis un enchevêtrement de canyons. Les autochtones ont déjà commencés à se positionner à l’ouest et à l’est de notre position, mais ils sont encore en infériorité numérique. En aucun cas, ils ne sauraient s’emparer de Zerendath. Cependant, si ils parviennent à faire jonction avec les autres forces qui s’approchent, ils pourraient entamer un siège que nous n’aurions aucune chance de gagner. Je vous rappelle que la dernière relique que nous possédions à été utilisée pour sauver ce lieu. »

Un autre officier l’interrogea :

« Monseigneur… Qu’en est-il de la couronne qu’avait présenté au peuple le Haut-Père Valandre, il y’a quelques temps ? Ne pourrait-elle pas suffire à… ? »

Les regards noirs du Seigneur-Mage et d’Horfen l’arrêtèrent dans son discours. Le sorcier poursuivit :

« Notre seule chance, est donc d’intercepter ces renforts, et ce, malgré le fait que nous soyons nous même en sous-nombre. Ils se massent à l’orée des canyons. Nous devrions pouvoir les devancer, afin de piéger l’endroit. »

Le premier officier intervint à nouveau :

« Comment comptez-vous faire parvenir nos troupes jusque là bas sans se faire repérer par leurs éclaireurs, et ce en si peu de temps ? Ils auront probablement des créatures volantes que nous ne pourrons intercepter. Et puis, ils doivent s’attendre à ce qu’on utilise cet avantage, ils connaissent la région bien mieux que nous. Comment escomptez-vous régler cela sire ? »

Le Seigneur-Mage se leva, balaya la pièce du regard, puis se mit en marche en direction de la sortie en annonçant :

« Ca, c’est à vous de le trouver. »

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Guettant depuis le sommet d’une colline, Nihilus contemplait l’immense armée rougeâtre qui se mettait en marche vers les défenses humaines. Les seigneurs des terres ardentes commençaient enfin à préparer la chute de ces envahisseurs. Cela ne faisait que trop longtemps. Dès l’instant où ceux-ci avaient manifestés les premières hostilités, le démon avait compris qu’il fallait les éliminer. Las. A maintes reprises, la créature ailée avait insistée pour que ses maîtres agissent, mais à chaque fois, ils s’étaient contentés de masser leurs forces et de palabrer quand au réveil de Ragnar. Et encore, même maintenant, alors que les rituels étaient engagés, leur actions n’étaient que trop peu décisives. Les quelques informations laconiques que lui avait accordé Enlgorm ne lui servaient guère. A quoi lui servait-il de connaître l’agitation croissante de ce « monde du dehors » ?

Finalement, il en venait presque à remercier ce sorcier dont le Titan parlait avec crainte et haine, ce Zerendis, celui-là même qui avait provoqué ce regain d’action. Malgré tout, la vague d’assaut qui avait été décrétée manquait d’ampleur. Repousser les humains jusqu’au souterrain d’où ils étaient entrés ! Alors qu’il aurait été possible de s’engouffrer dans cette brèche apparemment si peu protégée ! Mais non, ZaK’Arian et Incendius avaient été formels. L’aval du Dieu des Flammes était indispensable. Un obscur « pacte avec le Vainqueur » passé il y’a bien longtemps.

Enfin, tout ceci n’aurait guère eu d’importance après tout, si Nihilus ne s’était pas retrouvé affublé de cette sphère violette dont Enlgorm, reclus dans son temple depuis quelques temps, se servait pour discuter avec ses lieutenants. Et que dire de cette caricature d’humain grotesque, présenté comme le premier du futur pivot de l’armée des terres ardentes. L’air hagard de cette créature blême n’arrangeait pas son apparence bossue, et l’entendre parler de sa voix grinçante était insupportable.

« Ils sont nombreux… Vous pensez éviter l’échec cette fois ? »

Le démon se retourna vers Thaddius.

« Mesure tes paroles, vermine. N’oublie pas ce qu’à dit Enlgorm. Tu as beau être le premier de son plan, tu ne seras pas le seul, et probablement pas le meilleur. Tu es remplaçable. »

L’homme pâle geignit une sorte de rire, et au même moment, la sphère s’anima. La voix du Titan des flammes résonna :

« Ne vous placez pas au dessus de vos propres fonctions, Nihilus. Vous n’êtes en rien autorisé à rabrouer mon expérience. »

L’expérience en question adressa un large sourire aux dents jaunes au démon. Celui-ci ne releva pas et se contenta de changer de sujet :

« Seigneur Enlgorm. Si comme vous me l’avez dit, les humains comptent nous tendre un piège, cela signifie qu’ils vont dégarnir leur forteresse. Ne serait-ce pas judicieux de profiter de l’occasion pour mettre en mouvement les quelques troupes qui patientent sur leur flancs ? »

Une sorte de puissante respiration parvint du globe volant, précédant la réponse de la créature :

« Vous agirez comme je vous l’ai dit, superviseur. Ces forces attendront que votre corps d’armée les rejoigne avant d’intervenir. Mais vous allez séparer votre groupe. L’un d’entre eux longera les canyons pour prendre nos ennemis à revers. Et vous le conduirez. »

Le démon ailé eut un mouvement de recul.

« Moi ? Mais je… Seigneur Enlgorm… Il y’aura ce Zerendis. J’ai préparé un plan plus opportun à… »

Le Titan l’interrompit en tonnant :

« Un plan du même acabit que celui que vous prépariez contre Kal il y’a des siècles ? Celui ou vous avez pris soin de soigneusement rester hors du combat alors que la Kalicée mettait en péril l’œuvre de Ragnar ? Vous irez Nihilus. Vous irez, car vous n’êtes que l’un de mes agents. Pas le meilleur et certainement pas le dernier. N’oubliez pas : Vous êtes remplaçable. »

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Les couloirs de Vhulfark étaient silencieux. La charge du patriarche des Morvhulf avait poussé ses hommes à l’attaque, mais Hulfar avait ordonné de baisser les armes et avait fait renvoyer les soldats. Il s’entretenait désormais seul avec Taerenas et Garnan, tandis que son père était enfermé dans une des pièces de l’étage supérieur, surveillé par plusieurs gardes. Le jeune homme avait désavoué les actions de son aïeul et commencé une explication des évènements qui avaient précédés l’arrivée du roi.

« Il a commencé à changer il y’a près d’un mois. A cette date, mon père à été victime d’une sorte de maladie qui l’a considérablement affaibli, mais cela n’a duré que quelques jours. Il gardait le lit d’un sommeil agité. Très agité. Personne n’avait pu dire de quoi il s’agissait, ni les médecins, ni les mages. Ceux-ci sentaient de puissants effluves magiques qui l’entouraient, et ils en avaient conclus qu’il s’agissait de la disparition des enchantements appliqués par leurs prédécesseurs. Mon père avait bénéficié des services des sorciers de Torvhemar à une époque. Il m’avait raconté que ceux-ci cherchaient un moyen de rendre chacun sensible aux sortilèges de longévités. Et, comme tous les autres avant eux, ils ont échoués. Le seul résultat auquel ils parvinrent fut d’entourer de manière permanente mon père d’une aura magique, sans aucun autre effet apparent. On conclut alors que, finalement, leurs tentatives avaient réussi et que le seigneur des lieux était en train de mourir, mais il n’en était rien. Après quatre jours, il se releva, faible et hésitant. Il disait qu’il subissait des pertes de mémoire, posait souvent des questions sur telle ou telle chose qu’il connaissait parfaitement auparavant, et à commencé à changer totalement ses anciennes habitudes. »

Taerenas questionna :

« Et c’est là qu’il a commencé à se rapprocher des Principautés ? »

Hulfar hocha la tête.

« Exactement. Il disait que quelque chose de plus grand se préparait. Jamais plus. Il s’enfermait dans ses locaux, délaissant ses devoirs de monarque, et étudiait les plans de la région pendant des heures. C’est à peine s’il m’adressait la parole»

Le roi et Garnan se concertèrent du regard. Le général commenta :

« La maladie, ou quoi que ce soit, avait peut être tout simplement altéré son état mental, si vous me permettez. »

Hulfar soupira, son visage laissant transparaître un mélange de tristesse et de résignation, mais le souverain l’interrogea à nouveau avant qu’il puisse répondre :

« Un de nos envoyés nous à dit que des hommes des Principautés attendaient ici il y’a quelques jours. Pourquoi ? »

Le fils Morvhulf se mordit la lèvre puis fixa le monarque dans les yeux :

« Ils étaient là à la demande de mon père. Il voulait annoncer officiellement sa sécession, et avait réclamé la protection de ses nouveaux souverains mais… Il a eu une sorte de crise de démence juste après qu’on annonce l’arrivée des troupes. Il hurlait, frappait l’air de ses mains. J’ai pris les choses en main et j’ai fait repartir le bataillon. Ils n’ont guère apprécié, pour sûr, mais leur chef à déclaré qu’ils se tiendraient prêt à intervenir, juste de l’autre côté du fleuve, à quelques heures de marche. »

Taerenas avait soutenu au début le regard du jeune homme avec un calme parfait, mais il l’observait maintenant avec une sorte d’appréhension. Il avait l’impression que quelque chose clochait dans ces yeux bleus, sans pour autant savoir de quoi il s’agissait.

Interrompant le roi qui allait reprendre la parole, un homme entra, et annonça à Hulfar que son père entrait dans une nouvelle crise. Celui-ci le renvoya à sa tâche, en précisant qu’il allait venir les rejoindre, puis dévisagea tour à tour ses deux interlocuteurs :

« Monseigneur. Je m’excuse de tout le mal qui à pu être causé par ce mal étrange. Croyez bien que ma loyauté vous est toujours acquise. Je tâcherais de raisonner mon père tant que se peut, mais pour l’heure, je dois me rendre à son chevet. Si vous désirez m’accompagner, bien entendu… »

« Non »

Taerenas l’avait stoppé et s’était porté à sa hauteur. Le vieux roi n’était guère grand, mais le jeune homme n’était pas non plus une montagne, se trouvant même plus petit que son suzerain. Avec une voix légèrement tremblotante, le monarque déclara :

« D’autres affaires urgentes m’attendent, mais il n’est que temps de rétablir l’ordre ici. Hulfar Morvhulf, je vous déclare dès l’heure souverain régent de Vhulfark et de ses dépendances, en lieu et place de Jhorgen Morvhulf ou quiconque d’autre pourrait prétendre à ce titre. Alors maintenant, redressez la tête, apprenez à soutenir un regard avec détermination et mettez moins de tristesse et plus de fougue dans vos paroles. »

Le nouveau seigneur sembla être immobile un instant, puis trembla l’espace d’une seconde avant de se rétablir brutalement dans une position plus correcte.

« Votre Majesté… En ces heures sombres, Taer se trouve fort chanceuse de vous avoir. »

Ayant dit cela, il se retira.

Et pour la première fois depuis qu’il le connaissait, Taerenas crut voir le regard de Garnan s’assombrir, pour il ne sut quelle raison.

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La pluie commençait à tomber, drue, sur le territoire des Morvhulf. Taerenas et Garnan quittaient la forteresse accompagnés de la moitié seulement de leur escorte d’origine et d’une poignée de personnages de Vhulfark – intendant, officier, magicien et médecins ayant œuvrés aux tentatives de guérison de Jhorgen, ainsi qu’un guide des environs. Le reste des hommes avait eu pour ordre de séjourner dans le donjon pour veiller aux agissements qui pouvaient s’y produire – tant de la part du père que du fils.

« Maintenant que Froevudd est de nouveau de notre coté, il ne nous reste plus qu’à nous occuper d’Aerrad. Tout du moins dans l’immédiat. »

Garnan bougonna.

« A l’heure qu’il est, Krev… Le Seigneur-Général Kreviel à sans doute déjà commencé à faire lever le camp, certes. Mais je pense, Votre Majesté, qu’il serait plus sage d’envoyer tout de même un corps d’armée à Rhalivar, ne serait-ce que pour contrer les éventuelles manigances de cette Ligue. Et, permettez moi monseigneur, mais les Principautés me semblent désormais une menace bien plus grande. »

« Cela est sûr. Pourtant, nous pouvons porter un coup fatal à l’activité de la Ligue. Si Aerreden se rend, si nous capturons un des Maîtres de la Ligue et qu’il nous livre ses informations, si… »

« Trop de si. » asséna l’officier en balayant l’air. « Si les nobles d’à coté s’enhardissent, nous serons dans une situation tragique. Seuls. Ne vous figurez pas que Bharann ou Vhalir nous soutiendrons un seul instant. Les Principautés sont loin d’eux, ils n’ont rien à en redouter ; ils sont en bon termes depuis des années. Alors que nous, nous sommes en frontière avec eux sur quasiment tout l’ouest, et le pays grouille de barons et autres nobliaux désirant chaque once de pouvoir qu’ils pourraient acquérir. Et que dire de notre armée ? Morvhulf n’était qu’une illustration de ce que nous risquons chaque jour. Notre armée de métier à beau n’être sous les ordres directs de la couronne seulement, elle représente, au mieux, la moitié de nos effectifs actuels. Tout le reste est gracieusement fourni par des souverains locaux, et commandé par eux. Je déplore depuis longtemps que votre grand-père ait laissé cette situation dans un tel état. Si jamais un de ces quelconques marquis s’avisait de quitter le royaume, on retrouverait ses hommes contre nous. »

Taerenas manqua de réagir en réponse au ton cassant de son sujet, mais se ravisa. Malgré tout, il était dans le vrai. Contrairement à un autre sujet…

« Vous m’aviez dit que le fils des Morvhulf était un impatient, qu’il se révélerait sans doute dangereux pour nous. Je l’ai trouvé plutôt mou et dépassé par les évènements. »

« Une façade. J’en suis persuadé. »

Le général était retourné à son apparence habituelle, qui ne laissait paraître aucune émotion sur son visage.

« Vous pensez donc qu’il serait bon de l’emmener avec nous, et d’installer un quelconque officier dont la fidélité serait sûre, en tant que régent pendant son absence ? »

« C’est sans doute ce qu’il y’a mieux à faire. »

Le roi contempla Garnan un instant, puis conclut en son for intérieur qu’il valait mieux laisser la situation telle quelle. Si jamais son général avait raison, il s’en mordrait les doigts, mais pour l’heure, il allait laisser Hulfar à la tête de son domaine. Il y’avait, après tout, beaucoup plus urgent : Aerrad à reconquérir.

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Taenil salua les gardes qui surveillaient l’entrée du Sanctuaire des Mages. Deux hommes qui ne le connaissaient pas, qui ne savaient pas son nom, mais qui le laissaient spontanément passer – sans doute parce qu’ils l’avaient fréquemment vu accompagner le Seigneur-Mage. Ceci le fit sourire l’espace d’un moment, avant qu’il ne se replonge à nouveau dans ses pensées accablées par la somme toujours plus grande de ses responsabilités. Il avait espéré, au début de la construction de Cavenfer, que créer une administration efficace était la partie la plus harassante de ce qu’il aurait à faire, mais plus le temps passait, plus il était débordé, et ce, encore plus maintenant qu’Adun était à nouveau absent.

D’innombrables dossiers et problèmes atterrissaient sur le bureau du sorcier, et celui-ci peinait à comprendre en quoi il plaisait tant à son ami de gérer tout cela. Il y’avait une heure à peine, on lui avait apporté un rapport sur les problèmes de la distribution d’eau dans la cité. Juste avant, le souci se révélait être l’accumulation des ordures dans la banlieue. Et, encore avant, il lui avait été demandé par les médecins de réglementer tout ce qui avait trait à la nourriture obtenue des terres colonisées, qui provoquait un surcroît de maladies qui n’allait pas en arrangeant les diverses épidémies qui se déclaraient ça et là.

Décidément, il ne comprenait pas les envies folles de pouvoir dont son compagnon faisait preuve, mais, soit, ainsi était-il. Il regrettait quand même que, dans sa paranoïa, Adun rechigna continuellement à laisser à d’autres un quelconque pouvoir de gestion tant qu’il n’était pas assuré de leur fidélité totale.

Enfin, il allait pouvoir se changer quelques temps les idées. Même si ce n’était que par sortilège interposé, il allait revoir cette chère petite.
Il ouvrit la porte devant lui, découvrant l’image floutée d’Enshina au milieu de la pièce, accompagnée d’un mage patientant la. Il fit un bref signe de tête à l’enchanteur, lui enjoignant de sortir, ferma la porte, et s’égaya soudainement :

« Ah, Enshina. Cela fait bien longtemps. »

« Déjà plus de deux ans Taenil. Deux ans à l’Académie sans rien faire d’autre que nettoyer des casseroles. Et quand Adun m’a mandé l’autre jour, il n’a pas été bien bavard. Mais je crois qu’il a souri. »

Taenil s’en amusa.

« Ca lui arrive de plus en plus rarement, malheureusement. Toi, par contre, tu as l’air en forme. »

« Je peux, je ne fais plus rien depuis des jours, hormis observer les mages qui courent dans tout les sens. Depuis qu’Adun m’a envoyé récupérer « l’objet » en fait. Je suppose qu’il t’a expliqué. Ce que vous ne savez pas, c’est ce qu’il s’est passé depuis. »

« C'est-à-dire ? Tu n’y es pas arrivé ? Tu n’es pas en danger au moins ? »

Il avait dit ça en jetant un coup d’œil inquiet derrière lui, sans trop savoir s’il parlait en risquant d’être écouté.

« Non, ça va. Et j’ai l’objet. C’est ce qui est arrivé qui est étrange. Il y’avait… Quelque chose. Je ne saurais pas dire quoi. Ca n’était pas humain, mais ça n’était pas une créature magique non plus. Ou alors ça le cachait bien ! Et, va savoir pourquoi, la tour s’est proprement disloquée quand j’ai tenté de m’enfuir. A la place, il y’avait un énorme pilier de magie de couleur violette. Chaque jour, sa taille diminuait, mais sans aucune action des sorciers. Ils n’arrivaient à rien dessus. On a tous été confinés dans les locaux, et interdit de faire quoi que ce soit depuis, jusqu’à ce que « l’Académie soit en mesure de déclarer de quoi il s’agit » selon le Recteur. Bon, la chose s’est volatilisée depuis, et on reste cloîtrés dans les murs. Et vu le nombre de voyageurs qui passent dans la région et qui ont du apercevoir cette lueur de loin, la moitié du royaume doit être au courant… »

Taenil jeta un nouveau coup d’œil en arrière, parcouru d’un frisson dans le dos.

« Comment as-tu fait pour me contacter alors ? Cela doit faire au moins une bonne heure que tu m’attendais, je suppose que vous n’êtes pas non plus autorisés à communiquer avec l’extérieur, si on vous retient dans l’Académie. »

« Je suis dans les locaux du seigneur Vordam, un des mages qui a probablement péri dans l’effondrement de la tour. Tout du moins, il n’est pas réapparu depuis ce jour la. Idem pour le Chef cuisinier. Ca m’arrange au fond. Et il y’a assez de réactifs ici pour pouvoir discuter pendant quelques heures de plus. »

Le sorcier se sentit fier de l’habileté de la jeune femme, et répondit d’une voix plus basse :

« Je ne suis pas sûr que ce qu’on dise ici ne puisse être entendu, et de ton coté aussi. Adun connait mieux ces endroits que moi. Ne prends pas de risque entre temps. Il ne sera pas revenu avant plusieurs jours. Si tu peux enquêter sur ce qu’étaient cette créature et cette émanation magique, tant mieux, mais ne va pas trop loin. »

L’image floutée d’Enshina parut renvoyer un sourire.

« J’espère que ça ne durera pas trop longtemps. J’en ai marre de rester ici. Adun m’a dit qu’il me ferait venir à Cavenfer une fois que j’aurais le livre, mais il ne m’a rien décrit sur ce qui se passait là bas. J’imagine que ça ne peut pas être pire que l’Académie, pour moi. »

Taenil soupira légèrement, le visage teinté d’un mélange de joie et d’angoisse.

« C’est tout ce qu’on peut attendre d’un monde souterrain ou un magicien ambitieux a expédié tout les hommes dont il pouvait disposer. »

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Horfen entra lentement dans la pièce ou se trouvait le Seigneur-Mage, ce fameux bureau qui passait pour être identique à celui de Cavenfer. Sans doute était-ce aussi le même qu’à Verenath. Il y’avait probablement une symbolique derrière tout cela, mais le commandant de Zerendath ne la percevait pas.

Adun lui jeta un bref coup d’œil avant de retourner aux cartes qui se trouvaient devant lui, cartes qui représentaient les mêmes régions que celles déjà examinées par les officiers plusieurs heures auparavant. Les cernes qui ornaient le visage du sorcier laissaient suggérer qu’il n’avait toujours pas dormi.

« Vous m’avez fait mander Seigneur-Mage… »

« Oui Horfen. »

Le ton était sans animosité aucune et presque résigné. L’air d’habitude si sûr de lui du mage était cette fois morne et indécis. Il s’accorda un moment de réflexion avant de reprendre :

« Avancez… J’ai besoin de votre avis, et j’aimerais que vous n’ayez pas à crier de sorte à ce que toute la forteresse entende. »

« Comme vous le désirez. »

L’officier ne savait que faire. Il y’avait peut être moyen de profiter de cette apparente situation de faiblesse, mais le sorcier était bien trop retors pour pouvoir être manipulé. Et, après tout, il avait déjà obtenu un poste confortable grâce à lui. Briguer la place de Seigneur-Général le tentait moyennement et la vie dans cette forteresse promettait d’être agréable.

« Vous êtes parmi les milles hommes de cette garnison le seul en qui j’ai vaguement confiance, Horfen Vargas. Et cette confiance ne tient pas à grand-chose : Je suppose juste que vous m’êtes un tant soit peu reconnaissant et que vous n’avez jamais rien fait qui puisse me nuire. »

« Je… Monseigneur, vous n’aviez pas à vous défier de moi. »

« Laissez-cela. Ce n’est pas de vous que je veux parler, mais du reste des officiers, des troupes en place ici. Qu’est ce que vous pouvez me dire de leur capacité, de leur loyauté ? Et répondez d’une voix moins forte. »

Le commandant s’éclaircit la gorge, et répondit en tentant de marquer ses paroles d’une certaine conviction :

« La grande majorité ne doit pas valoir grand-chose, monseigneur. Ils viennent de là ou vous les avez tiré, et pas d’autre part : du rang. Certains, sans doutes, sont probablement aptes, cultivés et intelligent, mais les deux tiers au moins ne sont que de banal rustres a qui on aurait donné de l’importance. »

« Soit. Je présume qu’aucun d’entre eux n’a de velléité à mon égard, ce qui constitue une raison suffisante pour ne pas les remplacer. Quand à leur talent, je vais vérifier ça. »

« Je ne faisais que donner mon avis comme vous me l’aviez demandé monseigneur… »

« Et c’est ce que je m’attendais à entendre. C’est une bonne chose. Si mes autres jugements sont aussi corrects, alors je ne regretterai pas de vous avoir placé là. Enfin, de toute façon, il aurait été stupide de gâcher les compétences de celui qui écrasa la rébellion de Rammath en quelques jours, il y’a à peine dix ans. Qu’est ce qui vous à pris de venir vous enfoncer dans cette mine lugubre, d’ailleurs ? »

Horfen baissa les yeux.

« Je ne sais trop à quel sentiment rattacher cela… Une sorte de désespoir peut être. Je n’avais plus de place, plus de chez moi ou de famille. Cette rébellion à ravagé ma terre. Mon frère à péri sur le champ de bataille. Ma sœur à été tuée par les insurgés. Les quelques possessions dont je disposais n’étaient que cendres lorsque j’y suis retourné. Alors, lassé, désabusé, j’ai demandé mon affection à Cavefeu, persuadé d’y passer le restant de mes jours paisibles, loin des fantômes de mon ancienne existence passée. »

Le regard d’Adun brilla un court instant. La façon dont il scruta l’officier le glaça, mais quelques secondes après, le sorcier était debout, et le gratifia d’une tape amicale sur les épaules.

« Je pense que nous allons bien nous entendre, commandant. Maintenant, il est temps de régler nos derniers préparatifs pour la bataille qui nous attend. »

« Derniers préparatifs… Mais il reste tout le problème de la manœuvre des troupes, d’éviter les éclaireurs ennemis… Les officiers n’ont probablement pas trouvé de solution satisfaisante. »

« Je m’en doute bien. Mais j’en avais déjà une. »

« Alors pourquoi… »

« Pour voir ce dont ils étaient capables. J’ai laissé sous-entendre qu’ils pourraient se retrouver en première ligne. Cela devrait les motiver à trouver quelque chose de valable. »

« Et, s’ils n’ont toujours rien, qu’avez-vous prévu de faire ? »

« Annoncer haut et fort devant la garnison entière ma tactique. Aussi absurde que ça paraisse, depuis le début de la campagne, chacun de mes mouvements que je passe devant un conseil d’officiers semble connu de mes adversaires. Pourtant, je ne vois aucune manière ou raison pour eux de me trahir, et chaque plan que j’ai passé sans les avertir s’est déroulé sans accroc. J’en conclus donc que : Soit ils sont, volontairement ou non, responsables, et qu’en agissant ainsi je serais sûr que les forces ennemies savent ou me trouver ; soit qu’ils sont immanquablement attirés par ma présence. Dans les deux cas, ils dépêcheront sans doute un effectif conséquent en vue de m’abattre. »

« Et alors ? »

« C’est moi qui les abattrait. »

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La colonne de soldat s’ébranla une dizaine d’heures après, ne laissant que quelques deux cent hommes pour protéger la forteresse en construction. La seule chose qui y importait réellement pour le moment était le bâtiment principal, facilement défendable de par sa position et ses épaisses murailles.

La marche se déroula sans accroc sur la vaste plaine de cratères ardents que surplombait Zerendath, avant d’arriver a l’entrée du gouffre qui menait vers les canyons. Depuis l’ouest, la chaîne de montagne diminuait en taille jusqu’à cet endroit ou elle s’enfonçait plus profond encore, comme une sorte de gigantesque escalier. A l’est, une forêt de champignon surplombait des coulées de lave provenant d’un volcan situé encore plus en hauteur.

Les forces ennemies n’avaient vraisemblablement pas d’autre choix que de passer par ces canyons ; ou de mobiliser un grand nombre de sorciers pour faire traverser cette zone, puisque les montagnes barraient l’ouest. Il était d’ailleurs justifié de penser qu’un deuxième groupe passerait probablement de ce coté.

Adun jugea la troupe qu’il avait avec lui. S’il doutait des officiers, de simples troupiers de Cavenfer qu’il avait choisi en consultant leur état de service, le reste de l’armée était à coup sûr qualifiée pour ce qu’il entendait faire. Il avait sélectionné la l’élite des hommes qui l’avaient suivi depuis le début de la campagne dans les terres ardentes. Parmi eux, des soldats de Val-de-braise et de Taerath constituaient le gros du contingent. Le reste était composé de soldats de métiers de l’armée royale détachée dans les terres ardentes, là ou les autres divisions des lieux se composaient des anciennes troupes allouées à Cavefeu – amollies, mal armées ; ou des renforts fraichement arrivés – encore par trop inexpérimentées aux conditions du monde souterrain.

La bataille devrait se dérouler sans accrocs. Soit les humains surprendraient les forces autochtones en contrebas et les repousseraient facilement, soit ils s’heurteraient à une quelconque colonne venue du sommet, voir même l’armée entière, et dans ce cas, il devrait intervenir lui-même. Après tout, la seule chose qui aurait pu pousser les orcs à s’engouffrer dans le canyon était l’espérance de gain de temps, sans quoi ils devaient contourner de considérables lacs de lave et d’instables volcans sur leur chemin.

Le Seigneur-Mage profita de ce répit qui s’offrait à lui pour réorganiser son esprit. Tant de choses se pressaient dans sa tête ces derniers temps. Anciens souvenirs, nouveaux ennemis… Que tramait Jurgot Mendren ? Etait-il arrivé quelque chose à Enshina ? Avait-il à craindre encore le retour d’autres vieux fantômes de la Coalition qui l’avait jadis mené à être exilé dans cette mine ?

Oui, ce jour là il ne l’oublierait qu’au moment ou il serait enfin sacré comme souverain légitime de Taer. Ce jour infâme ou cet échalas d’Ajar Marhold et ce parvenu de Larhan Valonhort se tenaient à la gauche de Taerenas et le scrutaient de leur regard moqueur. Les membres de la Cour méritants avaient défilés pour recevoir les honneurs du roi. D’abord le Seigneur-Général de l’époque, Varth Barenhold, qui reçut l’honneur d’avoir sa statue posée dans la Galerie des Rois, pour les services rendus à Taeran, père de Taerenas. Services qui concernaient principalement la guerre contre les Principautés, guerre durant laquelle Adun avait grandement contribué à faire gagner le royaume. Puis il y’avait eu le Duc d’Esteval, dont la province croulait sous les richesses qui attiraient l’attention de la nation frontalière de Vhalir, et qui s’était tiré habilement de la situation en remémorant à la Grande Eglise que, jadis ; Froevven, Vhalag et Malachen s’étaient réunis sur l’une des collines qui séparaient la région de son rapace voisin. Ainsi, les religieux avaient dépêchés bon nombre de leurs prêtres et autres fin connaisseurs des textes saints pour étudier avec précision tout indice quand à la localisation de l’endroit exact, empêchant par là même toute agression – car, après tout, aussi cupides qu’ils soient, les marchands de ce pays commerçant qu’est Vhalir étaient profondément dévots. Et sans doute le restaient ils à l’heure actuelle.

Puis vint son tour, celui ou il sortit de la file des dignitaires pour se rendre à son tour sur le tapis pourpre qui se dirigeait vers le trône. Révérence au roi – âgé de vingt ans à peine – remerciements déjà énoncés mille fois envers Sa Majesté pour son choix de le nommer Seigneur-Mage. Déclarations de Taerenas, lisant ses agissements pour le bien de la couronne. Et enfin, cette phrase d’apparence si innocente, qui aurait presque pu passer pour un cadeau…

« Moi, Victor Taerenas 1er en ma qualité de roi régnant et souverain légitime de Taer, et en remerciement de vos recherches poussées sur la roche de feu, je vous confie, Adun Zerendis, la charge de la grande mine de Cavefeu. Vous disposerez ainsi du titre de Gouverneur de cette excavation. »

A cet instant, Adun n’avait compris goutte de ce qui se tramait derrière cet assemblage de voyelles et de consonnes. Rien qu’un titre de plus, à première vue. Une once de pouvoir supplémentaire. Mais Marhold et Valonhort avaient le visage bien trop souriant pour ça. Connaissant l’éloignement de Cavefeu par rapport à Taerath, il avait d’abord songé qu’il devrait s’y rendre pour prendre la pleine mesure de sa charge, avant de rentrer occuper ses fonctions de Seigneur-Mage.

Vraisemblablement, tout cela n’était là que pour le faire quitter la cour l’espace d’une semaine, afin de préparer un quelconque complot en son absence.

Pourtant, malgré la lumière qui se répercutait des vitraux devant lui, illuminant la salle comme s’il s’agissait d’un tournant historique, le regard triomphant de Marhold qu’il parvenait à percevoir n’était que trop suspect. Il s’était relevé, et, d’un sourire hypocrite, avait questionné à demi-voix :

« Cavefeu ? »

Monumentale erreur. S’il n’avait rien dit, cela aurait à peine effleuré les oreilles de la cour, des nobles, des serviteurs, et à peine parvenu à la populace entière. Mais, Taerenas, persuadé d’agir tel un bon souverain débonnaire, avec déclamé :

« Oui, tout est déjà prêt pour votre départ. L’ancien gouverneur de la mine a veillé à ce que les logements de fonctions soient libres pour son successeur. Vous pourrez accomplir votre nouvelle tâche dès qu’il vous siéra. »

Cent fois maudit qu’il fut. Et cent fois de plus pour avoir prononcé cette maudite suite.

« A propos… Les termes de votre propre succession n’ont pas encore été réglés. Cela demandera un nouvel entretien. Maintenant, allez Seigneur-Mage. Il est à présent temps de traiter le cas de sire le comte d’Escheq. »

Il eut l’impression d’être secoué par un terrible tremblement de terre, comme si le monde s’écroulait autour de lui. « Votre propre succession », annoncée à haute-voix devant tous les dignitaires de la cour. Il avait eu, fort heureusement, l’intelligence de regagner son rang plutôt que de contester, et n’avait suivi le reste de la cérémonie que les dents serrées et les yeux fixant le vide.
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Dernière édition par Bizzardbizzare le 20/04/10 09:47; édité 1 fois
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MessagePosté le: 20/04/10 09:47    Sujet du message: Citer

A vrai dire, il n’avait pas eu beaucoup d’autres choses à faire en attendant la fin de la liste de récompenses et de blâmes du roi, cet imbécile qui venait d’anéantir tout ce pourquoi il avait lutté depuis près de quatre-vingt ans. Le pire étant sans doute qu’il l’ait fait en se persuadant de récompenser un sujet fidèle.

Fort heureusement pour lui, il avait assez bien retenu ce qui était arrivé à Jeregand pour se permettre de nommer publiquement un de ses amis comme tel. Quand à un ennemi, encore moins, et de ce fait, pas d’apprenti. Il avait un instant songé à Taenil, mais c’eut été accepté de se démettre de sa fonction, tout en lui confiant un rôle dont il ne voulait pas. Celui-ci avait bien précisé qu’en dernier recours, il serait prêt à cela, mais il ne souhaitait en aucun cas s’encombrer à son tour de gloire, de responsabilités et d’ennemis.

Le salut, ironiquement, fut venu de ceux-là même qui convainquirent le roi d’en faire le gouverneur de Cavefeu, qui, en lui cherchant un successeur, se divisèrent en conflit d’intérêts, chacun cherchant à placer son propre fidèle en lieu et place de Seigneur-Mage.

Au bout de trois semaines, nombre de lettres commençaient à s’accumuler, le réclamant à Verenath, tandis qu’aucun compromis n’avait été trouvé entre les membres du conseil. En dernier recours, alors que celui-ci était venu le trouver pour lui signifier qu’il n’était que temps de se rendre dans la mine, Adun avait signalé au souverain qu’il n’était peut être pas très sage de confier un tel choix à des personnes déjà si influentes et qui faisaient chaque jour preuve d’un plus grand désaccord.
Soixante ans plus tard, les anciens membres du Conseil étaient tous morts et lui toujours Seigneur-Mage, condamné à attendre dans cette mine qui s’étendait toujours plus profond. Et aujourd’hui encore, il restait en vie une poignée des membres de cette Coalition qui continuait en dépit de tout à se dresser contre lui.

Il fut tiré de ses pensées par un éboulement de roches, quelques centaines de mètres plus loin. Il serrait les dents, les mains crispées sur la bride de son cheval, et constata qu’Horfen, chevauchant à sa gauche, le regardait avec quelque crainte dans les yeux.

Peu importait, après tout. Il avait triomphé de la coalition. Il allait triompher également de ces minables autochtones qui se plaçaient entre lui et le trône. Puis il savourerait sa vengeance.

Quelques cris d’alertes fusèrent subitement au niveau de l’avant-garde. Adun tenta en vain de faire traverser les rangs à son cheval, mais celui-ci ne pouvait guère avancer dans l’agglutinement humain qui se massait de plus en plus suite à son immobilisation. Avec colère, il sauta de sa monture et se fraya un chemin dans le bataillon.

Il lui fallut à peine une minute pour apercevoir la source des éclats de voix : Une longue file d’orcs et de démon qui s’agglomérait également, et en nombre apparemment supérieur.

Bondissant sur un rocher qui séparait les deux camps, une créature ailée, cornue et dotée de longues griffes fit son apparition. Les soldats de Taer eurent un brusque mouvement de recul avant de constater la présence du Seigneur-Mage à leur côté.

L’être hurla d’une voix d’outre-tombe :

« Tremblez, mortels ! Je suis Nihilus, Héraut d’Enlgorm, Porteur de mort, Seigneur du sang noir et Maître des cinq Ténèbres ! Votre séjour en ces lieux n’a que trop duré, et il est désormais temps pour vous de… »

Un puissant et rapide éclair foudroya le démon, de manière suffisamment puissante pour le faire tomber à la renverse. Quittant les rangs avec détermination, Adun pointa un doigt sur la troupe ennemie et cria à son tour :

« Tuez-les tous ! »

L’air féroce de l’autre camp changea soudain, et leurs rugissements de défi s’estompèrent pour faire place à un recul désordonné de leur part, avant de tenter tant bien que mal de se défendre.

Ecumant, Nihilus se releva, apercevant le Seigneur-Mage qui se dirigeait à sa rencontre. Fixant le sorcier, il se mit à battre des ailes pour prendre son essor.

Adun serra ses poings et murmura une rapide incantation, pour finir à son tour propulsé en l’air. Il esquiva de justesse une sorte de sphère noire qui le dépassa pour exploser quelques mètres plus bas.

A son tour, il se prépara à frapper. Le démon se tenait plus haut que lui, battant des ailes avec vigueur, préparant une autre attaque. Zerendis saisit fermement son bâton et le pointa sur la créature, l’utilisant pour catalyser un autre éclair, que la créature évita facilement.

Inopinément, celle-ci chargea et tenta de blesser son adversaire avec ses longues griffes.

Adun leva les bras pour invoquer un bouclier autour de lui, qui stoppa à temps l’attaque du démon.

Comme pour Incendius. Comme pour l’autre orc. Ils n’apprennent donc pas ?

Canalisant à la fois son sort d’envol et son bouclier en utilisant son bâton pour stabiliser les énergies magiques qui s’échappaient, le Seigneur-Mage prépara une riposte, avant que sa protection ne se disloque soudainement, coupant toutes ses incantations.
Gardant l’once de sang-froid nécessaire à sa survie, il parvint à réincanter son sortilège d’envol à quelques mètres du sol. Déjà, la créature replongeait sur lui depuis les hauteurs.

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Horfen désigna brièvement la droite du champ de bataille aux hommes qui se tenaient derrière lui et balaya l’endroit du regard, cherchant un flanc ennemi libre dont il pourrait tirer profit.

Les armes s’entrechoquaient sans cesse avec fracas, chaque camp aussi déterminé que l’autre. La surprise et l’incompréhension qui avait surgi chez les autochtones avait disparu après les premières effusions de sang, et même s’ils se battaient totalement désorganisés, le nombre n’était pas forcément en faveur des humains.

Le groupe de soldats qui l’entourait fut frappé d’une salve d’éclairs de feu, et se dispersa en torches flambantes dans tout les sens. Un autre rang de troupes les remplaça, mais fut à nouveau massacré de la même manière.

L’officier aperçut à quelques dizaines de mètre le groupe de sorciers orcs, dirigés par un démon qui leur hurlait des ordres incompréhensibles. Il chercha ses propres mages mais eut à peine le temps de faire tourner bride à son cheval qu’une charge de créatures enfonçait les quelques défenseurs qui restaient encore. Avec vigueur, il dégaina, tout en éperonnant sa monture.

Le fantassin à côté de lui fut soudainement abattu d’un coup de hache, que l’agresseur dévia sur l’officier.

Horfen para de justesse, à quelques centimètres de sa jambe, et repoussa l’arme ennemie alors que son cheval s’emportait. L’orc le fixa un instant, puis refrappa de la même façon, tandis que la monture se cabrait. Lâchant prise en tentant d’esquiver, l’officier se retrouva projeté au sol. Il s’affaira péniblement à se relever, torturé par sa jambe attelée, mais la créature ne lui laissa pas le temps et se dressa au dessus de lui. Fermement, elle saisit sa hache à deux mains et se prépara à l’abattre.

---------------------------------------------------------------------------------

Adun évita un nouveau trait noir et augmenta encore un peu sa hauteur. Le champ de bataille en bas n’offrait plus que l’impression d’une vaste mêlée indéchiffrable, et la paroi rocheuse au dessus de lui était de plus en plus proche.

Le Seigneur-Mage tâcha de reprendre son souffle, mais une nouvelle attaque du démon l’obligea à bouger à nouveau. Cette fois, le trait atteignit la paroi du monde souterrain, provoquant une chute de pierres vers le combat en dessous.

Le sorcier commençait à perdre haleine, alors que son adversaire semblait toujours au sommet de sa forme. Lui devait dépenser des sommes d’énergies considérables pour se maintenir capable de voler, de se protéger, d’attaquer et de se défendre, alors que Nihilus disposait d’ailes.

Sans perdre un instant, le susnommé tendit un bras griffu vers Zerendis, provoquant un nouvel éclair. Adun fit un signe bref avec sa main droite, et fut précipité vers le sol, ayant annulé le sortilège d’envol. Il l’invoqua de nouveau une poignée de secondes après, juste avant de toucher terre.

Cela ne pouvait durer éternellement. A ce moment même, il était certain de surpasser considérablement le démon, mais plus le temps passerait, plus il s’affaiblirait.

Il devait changer sa façon de combattre. Reprenant de l’altitude, il aperçut son adversaire qui se dirigeait déjà à nouveau dans sa direction.
La créature n’était plus qu’à quelques mètres, préparant un coup de griffe menaçant. Adun fit mine d’incanter un nouveau sort défensif, puis rompit brusquement son mouvement pour fendre l’air d’un bras en direction de Nihilus, concentrant toute son énergie.

La rapidité du sort prit le démon à dépourvu, et le frappa sur le torse. Les rayons multicolores l’encerclèrent et le brûlèrent sur l’ensemble de sa carcasse, pendant qu’Adun jubilait. Il tenta de canaliser un peu plus de force dans le sortilège pour achever la bête, mais perdit soudainement le contrôle et se retrouva propulsé dans l’autre sens, la foudre magique jaillissant de sa main dans toutes les directions.

L’effet s’estompa après quelques secondes, permettant au Seigneur-Mage de retrouver son équilibre. Il aperçut la créature, blessée, en train de faire de même, et se fendit d’un sourire. Il avait eu raison d’utiliser la magie sauvage. Même si sa maîtrise était incomplète, elle allait avoir raison de son adversaire. Un dernier enchantement serait suffisant pour en finir.

-----------------------------------------------------------------------------------

Horfen rouvrit les yeux avec anxiété. Il s’attendait à se trouver dans le royaume de Sa Grandeur, fixé par les trois Juges prêts à lui faire expier ses pêchés, mais l’odeur du sang et le fracas du choc des armes le ramenèrent à la réalité. L’orc qui le menaçait se tenait mort, devant lui, une flèche entre les deux yeux, tandis que l’archer qui l’avait probablement abattu essayait de le relever. Un de ses officiers essayait de lui parler, hurlant que la bataille tournait mal, et qu’aucun revirement ne semblait possible. Puis « quelque chose » tomba au milieu du champ de chair et de sang, sans que personne d’autre que lui ne le remarque, semblait-il.

Et ce fut d’abord une, puis deux, puis toute une cacophonie de voix âpres et gutturales, de voix orcs, qui hurlaient, aurait t’on dit, des ordres. Des voix qui se livraient duel. Et enfin, la plus étrange des situations militaires qu’il ait pu voir, ou chaque rang ennemi partait dans une direction différente, certains chargeant a un contre trois, d’autres se dispersant dans tout les sens, l’ensemble ne formant qu’un gigantesque chaos.

On le mena à l’arrière du combat, qui se transformait en une chasse aux fuyards, tentant de faire un maximum de prisonnier.

On l’étendit sur une des charrettes, pendant qu’un des médecins du corps venait l’examiner précipitamment.

On mena un Adun toussant et exténué devant lui, la robe noircie et en lambeaux.

Horfen murmura, amusé : « Seigneur-Mage… C’est vous qui leur avez fait si peur ? »

Le sorcier toussa encore une fois puis haussa les épaules.

« Je n’en sais rien, j’ai « juste » tué leur démon ailé, puis je suis revenu ici. »

----------------------------------------------------------------------------------

Nihilus se réveilla en sursaut, comme bondissant d’un cauchemar. Il se trouva allongé dans une plaine déserte, dans un endroit qu’il savait être loin, très loin du champ de bataille.

Presque immobile, seul patientait devant lui une silhouette humaine vêtue de noir de la tête aux pieds, très maigre, avec une longue cape élimée et un bâton noueux. Il souriait de toutes ses dents grisâtres, sa capuche ne laissant paraître aucune autre partie de son visage.
Il s’exprima d’une voix grinçante mais enjouée :

« J’ai à vous parler. »
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